Frédéric à Voltaire, Remusberg, 15 avril 1739

Éditions après Preuss

Fritz Arnheim ("Ein Gedicht des Kronprinzen Friedrich an Voltaire". In: Forschungen zur brandenburgischen und preußischen Geschichte 2 (1889), S. 199-200) ediert ein dem Autograph des Briefes ("im Besitz des Herrn Oberkammerherrn Grafen A. Lewenhaupt auf Schloß Sjöholm in Södermanland") beigefügtes Gedicht Friedrichs des Großen und weist auf "drei kleine, von dem ersten Herausgeber angebrachte stilistische Verbesserungen" hin, die Preuß übernahm. Das Gedicht hat nachstehenden Wortlaut:
à Reinsberg, ce 15 d'Avr. 1739.

Quel monstre sur tes jours versant ses noirs poisons
Flétrit de ton repos la fleur si passagère?
Sans doute il échappa des profondes prisons
Qu' Alecto, Némésis, Tisiphone et Mégère
Embrasent de leurs tisons.

o Ciel! qu'il est affreux! Son oeil est morne et louche,
Sa gueule meurtrière, encor teinte de sang,
Nourrit de trahisons sa cruauté farouche.
Le héros vertueux et toujours l'innocent
Servent de proie à sa bouche.

L'Enfer qui le forma, distilla ses fureurs
Et de ses intestins le vomit sur la terre
Afin d'éterniser le crime et les malheurs.
Mais du ciel irrité la tardive colère
Saura venger ses noirceurs.

De ce nuage obscur quel rayon de lumière
Écarte de la nuit le voile tenébreux,
Que la vive clarté vient frapper ma paupière?
La vérité paraît. Fuyez, monstres affreux.
C'est son flambeau qui m'éclaire.

Reconnaissez enfin, trop crédules mortels,
D'un monstre détesté l'infâme perfidie.
Fuyez de ses douceurs les appas criminels;
Au lieu que le mérite enflamme votre envie,
ÉIevez-Iui des autels!

Tombez, bandeaux épais, qui fascinez la vue
D'imbéciles humains par le crime aveuglés.
Adorez humblement la vertu reconnue,
Et que paraisse enfin à vos yeux déssillés
La vérité toute nue.
Du cygne de Cirey vénérez les talents;
Ses accords enchanteurs, sa Iyre harmonieuse
Et son premier soleil et ses jours défaillants
Furent pour ce public, race ingrate, envieuse,
Indigne de ses présents.

Elle dit! Et sitôt d'un vol prompt et rapide
Un rayon la transporte à la céleste cour
De l'espace infini elle parcourt le vide,
A l'ombre paraissant fait fuir l'astre du jour
Au fond de la plaine humide.

Ainsi pour ton secours la chaste vérité
Daigna quitter les cieux pour éclairer la terre.
C'est ce que la vertu n'a que trop mérité,
Mais ce secours est vain ; la vérité, Voltaire,
Ne peut rien sans l'équité.