<70> je trouve qu'il est divisible à l'infini.a Pourrait-il être un être fini et infini en même temps? Non, car cela implique contradiction. Or, comme une chose ne saurait être et ne pas être en même temps, il faut nécessairement que l'homme ne soit pas infini; donc il n'est pas divisible à l'infini; donc il y a des unités qui, prises ensemble, font des nombres composés; et ce sont ces nombres, dès qu'ils sont composés, qu'on nomme matière.

Je vous abandonne volontiers le divin Aristote, le divin Platon, et tous les héros de la philosophie scolastique. C'étaient des hommes qui avaient recours à des mots pour cacher leur ignorance. Leurs disciples les en croyaient sur leur réputation, et des siècles entiers se sont contentés de parler sans s'entendre. Il n'est plus permis, de nos jours, de se servir de mots que dans leur sens propre. M. Wolff donne la définition de chaque mot, il règle son usage; et, ayant fixé les termes, il prévient beaucoup de disputes qui ne naissent souvent que d'un jeu de mots, ou de la différente signification que les personnes y attachent.

Il n'y a rien de plus vrai que ce que vous dites de la métaphysique; mais je vous avoue que, indépendamment de cela, je ne saurais défendre à mon esprit, naturellement curieux, d'approfondir des mystères qui l'intéressent beaucoup, et qui l'attirent par les difficultés qu'ils lui présentent.

Vous me dites le plus poliment du monde que je suis une bête. Je m'en étais bien douté un peu jusqu'à présent; mais je commence à en être convaincu. A parler sérieusement, vous n'avez pas tort; et cette raison, prérogative dont les hommes tirent un si glorieux avantage, qui est-ce qui la possède? Des hommes qui, pour vivre ensemble, ont été obligés de se choisir des supérieurs et de se faire des lois pour s'apprendre que c'était une injustice de s'entre-tuer, de se


a Je trouve qu'il est divisible (l'expérience le prouve); mais je ne saurais dire qu'il est divisible à l'infini. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 267.)