<59>Une chose qui n'est pas plus avérée que celle-là, c'est que, il y a environ cent ans, en posant les fondements de ce château, on trouva deux pierres sur lesquelles était gravée l'histoire du vol des vautours. Quoique les figures aient été fort effacées, on en a pu reconnaître quelque chose. Nos gothiques aïeux, malheureusement fort ignorants, et peu curieux des antiquités, ont négligé de nous conserver ces précieux monuments de l'histoire, et nous ont par conséquent laissés dans une incertitude obscure sur la vérité d'un fait aussi important.

On a trouvé, il n'y a pas trois mois, en remuant la terre dans le jardin, une urne et des monnaies romaines, mais qui étaient si vieilles, que le coin en était quasi tout effacé. Je les ai envoyées à M. de La Croze. Il a jugé que leur antiquité pouvait être de dix-sept à dix-huit siècles.

J'espère, monsieur, que vous me saurez gré de l'anecdotea que je viens de vous apprendre, et que, en sa faveur, vous excuserez l'intérêt que je prends à tout ce qui peut regarder l'histoire d'un des fondateurs de Rome, dont je crois conserver la cendre. D'ailleurs, on ne m'accuse point de trop de crédulité. Si je pèche, ce n'est pas par superstition.

Ma foi, se défiant même du vraisemblable.
En évitant l'erreur, cherche la vérité.
Le grand, le merveilleux, approchent de la fable;
Le vrai se reconnaît à la simplicité.

L'amour de la vérité et l'horreur de l'injustice m'ont fait embrasser le parti de M. Wolff. La vérité nue a peu de pouvoir sur l'esprit de la plupart des hommes; pour se montrer, il faut qu'elle soit revêtue du rang, de la dignité et de la protection des grands.


a Eilhardus Lubinus, professeur à Rostock, mort en 1621, doit être l'auteur de cette anecdote. Voyez, Bekmann, Historische Beschreibung der Chur und Mark Brandenburg. Berlin, 1751, in-fol., t. I, p. 422-432.