<292>La trame de mes jours allait être abrégée,
Et la débile infirmité
Précipitait ma triste vie,
Hélas! avec trop de furie,
Au gouffre de l'éternité.
Déjà la mort qui sème l'épouvante,
Avec son attirail hideux,
Faisait briller sa faux tranchante
Pour éblouir mes faibles yeux,
Et ma pensée évanouie
Allait abandonner mon corps.
Je me voyais finir; mes défaillants ressorts,
Du martyre souffrant la fureur inouïe,
Faisaient leurs derniers efforts.
L'ombre de la nuit éternelle
Dissipait à mes yeux la lumière du jour;
L'espérance, toujours ma compagne fidèle,
Ne me laissait plus voir la plus faible étincelle
D'un espoir de retour.
Dans des tourments sans fin, d'une angoisse mortelle,
Je désirais l'instant qu'éteignant mon flambeau,
La mort, assouvissant sa passion cruelle,
Me précipitât au tombeau.
C'est par vous, propice jeunesse,
Que, plein de joie et d'allégresse,
Des tourments de la mort je suis sorti vainqueur.
Oui, cher Voltaire, je respire,
Oui, je respire encor pour vous,
Et des rives du sombre empire,
De notre attachement le souvenir si doux
Me transporta, comme en délire,
Chez Émilie, auprès de vous.
Mais, revenant à moi pour un nouveau martyre,
Je reconnus l'erreur où me plongeaient mes sens.
Faut-il mourir? disais-je; ô vous, dieux tout-puissants!
Redoublez ma douleur amère,
Et redoublez mes maux cuisants;
Mais ne permettez pas, fiers maîtres du tonnerre.