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...... ce que vous savez,
Avec beaucoup de bienséance.a

Je vous exposerai mes doutes avec la dernière franchise, honteux de vous mettre toujours dans le cas des Israélites, qui ne pouvaient relever les murs de Jérusalem qu'en se défendant d'une main, tandis qu'ils travaillaient de l'autre.

Avouez que mon système est insupportable; il me l'est quelquefois à moi-même. Je cherche un objet pour fixer mon esprit, et je n'en trouve encore aucun. Si vous en savez, je vous prie de m'en indiquer qui soit exempt de toute contradiction. S'il y a quelque chose dont je puisse me persuader, c'est qu'il y a un Dieu adorable dans le ciel, et un Voltaire presque aussi estimable à Cirey.

J'envoie une petite bagatelle à madame la marquise, que vous lui ferez accepter. J'espère qu'elle voudra la placer dans ses entre-sols, et qu'elle voudra s'en servir pour ses compositions.

Je n'ai pas pu laisser votre portrait entre les mains de Césarion. J'ai envié à mon ami d'avoir conversé avec vous, et de posséder encore votre portrait. C'en est trop, me suis-je dit; il faut que nous partagions les faveurs du destin. Nous pensons tous de même sur votre sujet, et c'est à qui vous aimera et vous estimera le plus.

J'ai presque oublié de vous parler de vos pièces fugitives, la Modération dans le bonheur, le Cadenas, le Temple de l'Amitié, etc.; tout cela m'a charmé. Vous accumulez la reconnaissance que je vous dois. Que la marquise n'oublie pas d'ouvrir l'encrier. Soyez persuadé que je ne regrette rien plus au monde que de ne pouvoir vous convaincre des sentiments avec lesquels je suis, monsieur, etc.


a Voltaire dit dans l'Épître à M. le duc de Sully (1720) :
     

Et reçut ce que vous savez,
Avec beaucoup de bienséance.

Voyez ses Œuvres, édit. Beuchot, t. XIII, p. 52.