<15>Pour les frelons du Parnasse, quand ils m'étourdissent de leurs querelles, je les renvoie à la préface d'Alzire, où vous leur faites, monsieur, une leçon qu'ils ne devraient jamais perdre de vue, et à laquelle on ne peut rien ajouter.a

A l'égard des théologiens, il me semble qu'ils se ressemblent tous, de quelque religion et de quelque nation qu'ils soient; leur dessein est toujours de s'arroger une autorité despotique sur les consciences. Cela suffit pour les rendre persécuteurs zélés de tous ceux dont la noble hardiesse ose dévoiler la vérité; leurs mains sont toujours armées du foudre de l'anathème pour écraser ce fantôme imaginaire d'irréligion qu'ils combattent sans cesse, à ce qu'ils prétendent, et sous le nom duquel en effet ils combattent les ennemis de leur fureur et de leur ambition. Cependant, à les entendre, ils prêchent l'humilité, vertu qu'ils n'ont jamais pratiquée, les ministres d'un Dieu de paix, qu'ils servent d'un cœur rempli de haine et d'ambition.b Leur conduite, si peu conforme à leur morale, serait à mon gré seule capable de décréditer leur doctrine.

Le caractère de la vérité est bien différent. Elle n'a besoin ni d'armes pour se défendre, ni de violence pour forcer les hommes à la croire; elle n'a qu'à paraître, et, dès que sa lumière a dissipé les nuages qui la cachaient, son triomphe est assuré.

Voilà, je crois, des traits qui désignent assez les ecclésiastiques pour leur ôter, s'ils les connaissaient, l'envie de nous choisir pour leurs panégyristes. Je connais assez qu'ils n'ont que des défauts, ou plutôt des vices, pour me croire obligé en conscience à rendre justice à ceux d'entre eux qui la méritent. Despréaux, dans sa satire contre


a Voltaire dit dans son Épître à madame la marquise du Châtelet, en tète de sa tragédie d'Alzire : « La rouille de l'envie, l'artifice des intrigues, le poison de la calomnie, l'assassinat de la satire (si j'ose m'exprimer ainsi), déshonorent, parmi les hommes, une profession qui par elle-même a quelque chose de divin. » Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. IV, p. 152.

b Vertu qu'ils n'ont jamais pratiquée, et se disent ministres d'un Dieu de paix, qu'ils servent, etc. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 229.)