<56> trouver à vos pieds, et que le souvenir de ces moments-là troublera toujours, au milieu même des agréments que l'on peut goûter à Paris, si je réunissais jamais assez de fortune pour pouvoir me les procurer. Mais c'est ce dont j'ai grand lieu de douter, si la protection et l'appui de V. M. ne décident pas le ministère à faire quelque chose pour moi. C'est où je mets mon espérance, et je me flatte toujours que V. M., qui a daigné me le promettre, ne se refusera point à la réaliser, si l'occasion vient à se présenter.

M. de Voltaire est encore à Plombières, où ses nièces ont été le voir; on ne sait où il ira ensuite. Son séjour à l'abbaye de Sénones avec le célèbre Dom Calmeta avait fait débiter beaucoup de propos ridicules sur sa prétendue conversion. Mais il a envoyé quelques articles très-bien faits pour l'Encyclopédie à M. d'Alembert, et y a joint une lettre qui ne marque pas un homme subjugué par les préjugés.

C'est de V. M. que j'ai appris le mariage du comte Algarotti; elle perd en lui un homme fort agréable. S'il pense comme moi, ce sera avec grand regret qu'il a fait faire pour son compte maison neuve à V. M., expression qu'elle daigne employer si obligeamment elle-même.

La lettre que j'ai reçue de M. l'abbé de Prades m'a d'abord véritablement affligé, Sire, dans la crainte où j'ai été que l'édition de vos Œuvres ne fût égarée ou perdue, ce qui ne pourrait qu'inquiéter vivement V. M. Mais quelle apparence qu'une édition entière ait disparu? J'ai bien reconnu, par le petit format in-quarto dont il est question, que V. M. a peut-être oublié qu'elle n'a fait tirer qu'un seul exemplaire de cette sorte pour sa petite bibliothèque de voyage; tous les autres, en grand papier, ont été exactement renfermés au château, à Berlin, dans l'imprimerie, suivant les renseignements que j'en ai donnés en répondant à M. l'abbé de Prades dans le moment que j'ai reçu sa lettre. Mon inquiétude cependant ne sera absolument calmée


a Voyez t. XV, p. IV, et p. 35-60.