<305> honnêtes gens, le malheur de bien des pauvres soldats estropiés pour toujours, la ruine de quelques provinces, le ravage, le pillage et l'incendie de quelques villes florissantes. Voilà, mon cher mylord, les exploits qui font frémir l'humanité, tristes effets de la méchanceté et de l'ambition de quelques hommes puissants qui immolent tout à leurs passions désordonnées! Je vous souhaite, mon cher mylord, rien qui ait le moindre rapport à ma destinée, mais tout ce qui lui manque. C'est le seul moyen pour que vous soyez heureux; j'y prends part plus que personne en qualité de votre ancien ami, qualité que je conserverai jusqu'au tombeau.

22. AU MÊME.

Dresde, 8 décembre 1758.

Sans déchirer encore nos blessures, mon cher mylord, en y portant une main indiscrète, je passe le sujet de nos afflictions et de nos armes pour en venir à votre voyage d'Espagne. Je reconnais en cela les marques de votre amitié et le désir que vous avez à servir un État que votre ami gouverne. Je fournirai à la somme que vous exigez pour votre voyage. Il sera difficile de vous donner des instructions; on ne sait pas même certainement si l'Espagne voudra prendre sur elle la médiation de la paix. En cas que cela soit, vous êtes persuadé d'avance que j'aimerais mieux mourir mille fois que de consentir à des conditions de paix flétrissantes pour la Prusse; que peut-être on pourrait même tirer quelques avantages d'un accommodement; et, comme c'est un préalable de captiver la faveur des médiateurs, personne que vous n'est plus fait à se faire aimer et à rendre respec-