<91> l'Europe sait que votre gloire n'en souffre aucune altération, vous devez vous consoler, et, quelque chose qu'il puisse arriver, songer à vous conserver, puisque c'est de vous seul qu'on peut attendre le moyen de remédier aux maux présents.

Si V. M. voulait me permettre d'avoir l'honneur de l'aller joindre, je me rendrais auprès d'elle avec la première escorte qui part de Berlin (et il en part presque tous les jours), et je ferais le reste de la campagne. Je me porte passablement, et je suis en état de pouvoir monter à cheval; ainsi je ne causerai aucun embarras à V. M. J'attends là-dessus sa réponse.

Je la supplie de nouveau de prendre soin de sa conservation, et de ne pas être trop sensible à des revers que les plus grands héros ont souvent essuyés. Rien n'est plus grand que Marius proscrit, fugitif, bravant la fortune; Sertorius, recogné dans un coin de l'Espagne, soutenant avec autant de patience que de fermeté les caprices du sort, me paraît le plus grand des Romains; et Caton dans Utique n'est considéré que comme une âme faible, incapable de soutenir l'adversité.

J'espère, Sire, que tout ira beaucoup mieux que vous ne pensez, et que vous ne tarderez pas longtemps à reprendre l'avantage que vous avez eu tant de fois sur vos ennemis. Je fonde mes espérances sur les lumières et les talents de V. M. J'ai l'honneur, etc.

67. AU MARQUIS D'ARGENS.

Fürstenwalde, 20 (août 1759).

Quelque envie que j'aie de vous voir, mon cher marquis, je trouve ma situation si affreuse, que je n'ai garde d'y associer personne.