<293>ployé ce temps à traduire le plus ancien philosophe grec qui nous reste, appelé Ocellus Lucanus. Il a fait un ouvrage sur la nécessité de l'éternité du monde; il vivait longtemps avant Socrate, Platon, Aristote, etc. Son ouvrage est court, mais excellent; j'y ai joint, sous le prétexte d'éclaircir le texte, plusieurs dissertations qui ne feront pas rire les ennemis des philosophes. Ce qui m'a engagé à faire cet ouvrage, que j'aurai l'honneur d'envoyer à V. M., imprimé, dans sept ou huit jours, c'est la mauvaise humeur où plusieurs fanatiques m'ont mis depuis quelque temps. Il n'y a pas de mois qui n'ait vu paraître, cette année, quelque libelle contre les philosophes; entre autres, il y en a un, intitulé L'Anti-Sans-Souci,a qui est un gros volume digne d'être sorti de la plume d'un fiacre. Je voudrais bien que vos ennemis militaires fussent aussi méprisables que vos ennemis littéraires. Leur grand cheval de bataille, c'est l'ouvrage de La Mettrie; mais, loin de vouloir le soutenir, lorsque je suis venu à cet article, j'ai pris le parti de prouver que La Mettrie n'avait jamais parlé ni pensé comme les philosophes, mais que, en beaucoup de choses, il avait donné dans les mêmes travers que les théologiens, et ce qu'il y a de plaisant, c'est que je le prouve sans réplique. Au reste, j'ai tâché d'écrire mon livre avec le plus de décence qu'il m'a été possible, et j'espère que tout homme qui ne sera pas bête ou fanatique ne pourra s'empêcher de convenir qu'on peut suivre les sentiments d'Épicure, et être un très-galant homme et fort utile à la société. Je demande d'avance à V. M. un peu d'indulgence pour mon ouvrage, et je la prie de vouloir excuser les fautes qu'elle y trouvera, en faveur du zèle qui m'a fait défendre la bonne cause. J'ai l'honneur, etc.


a L'Anti-Sans-Souci, ou la folie des nouveaux philosophes, naturalistes, déistes et autres impies, dépeinte au naturel, par M. D. C. R. A. A Bouillon, 1760, trois cent cinquante-neuf pages in-8. Ce livre n'est qu'une lourde déclamation contre les Poésies diverses du Roi, Berlin, 1760.