37. AU MÊME.

Potsdam, 10 août 1742.

Mon cher Algarotti, j'ai été fort aise de l'espèce de prophétie que vous me faites dans votre lettre, comme si l'Allemagne et la Prusse pouvaient se flatter de vous revoir un jour dans leur froid climat. Quelque mauvaise opinion que vous ayez du goût de ces nations, je puis cependant vous assurer qu'elles vous considéreront comme une aurore boréale qui vient éclairer leurs ténèbres. Ce phénomène nous serait plus agréable encore, si le public osait se flatter que nous devrions votre présence à nous-mêmes, et point aux influences attrayantes de Plutus, qui réside dans ces contrées. Apparemment que vous avez oublié toutes les offres que je vous ai faites, à tant de différentes reprises, de vous faire un établissement solide dans lequel vous auriez même eu lieu d'être content de ma générosité. Mais le mépris que vous faisiez d'une nation trop sotte pour avoir le bonheur de vous posséder vous a fait constamment refuser tous les avantages que j'avais intention de vous faire; de façon que c'est à vos propres refus que vous avez lieu de vous en prendre, si votre intérêt n'a pas trouvé<60> son compte à Berlin. Votre mérite, il est sûr, est impayable; mais c'est par cette même raison que, tout roi que je suis, je me trouve dans l'insuffisance de le récompenser, et réduit à la simple admiration. Il ne me reste qu'à chérir votre esprit malgré l'absence, et d'estimer votre personne, que vous m'avez jugé indigne de posséder. Ce sont les sentiments que je vous conserverai toujours, incapable de présumer trop bien de moi-même pour le langage flatteur que vous tenez, mais aussi incapable de vous faire injustice sur votre esprit et vos talents, dont je serai toujours l'admirateur. Adieu.