<74> les faites imprimer; pour moi, j'imprime, je me repens, et puis je corrige. Vous me demandez ce que je fais. J'efface beaucoup. J'en suis à ma huitième Épître, et, pour n'y pas revenir si souvent, je les laisserai encore reposer toutes; je les reverrai dans quelque temps, ensuite de quoi on procédera à l'impression. Nous aurons cette après-dînée l'épreuve de Coriolan. Je pourrai vous en dire des nouvelles lorsque je l'aurai entendu.

Voltaire vient de faire un tour qui est indigne. Il mériterait d'être fleurdelisé au Parnasse. C'est bien dommage qu'une âme aussi lâche soit unie à un aussi beau génie. Il a les gentillesses et les malices d'un singe. Je vous conterai ce que c'est, lorsque je vous reverrai; cependant je ne ferai semblant de rien, car j'en ai besoin pour l'étude de l'élocution française. On peut apprendre de bonnes choses d'un scélérat. Je veux savoir son français; que m'importe sa morale? Cet homme a trouvé le moyen de réunir les contraires. On admire son esprit, en même temps qu'on méprise son caractère. La du Châteleta est accouchée d'un livre, et l'on attend encore l'enfant; peut-être que, par distraction, elle oubliera d'accoucher, ou, si l'embryon paraît, ce sera des œuvres mêlées.

Je vous prie, ne vous servez point du panacée que Cataneo annonce. Je ne crois aucune des nouvelles qu'il mande, quand même elles sont vraies; je ne voudrais me servir d'aucune médecine qu'il loue, quand même il en aurait fait l'épreuve, et surtout d'un panacée. Ce sont des chimistes qui les inventent. On y a grande foi quand ils paraissent, mais on ne tarde pas à s'en désabuser. Je vous recommande la belle humeur, le régime, la dissipation, et d'avoir soin de cette machine qui vous fait si bien penser. Adieu.


a Voyez t. XIV, p. Iv, no VI, p. xv, no XL, et p. 29 et 195; et t. XVII, p. 1, et p. 1-52.