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48. AU COMTE ALGAROTTI.

Potsdam, 6 septembre 1749.

Voici un canevas très en abrégé de l'opéra de Coriolan. Je me suis assujetti à la voix de nos chanteurs, au caprice des décorateurs, et aux règles de la musique. La scène la plus pathétique est celle de Paolino avec son père; mais comme le récitatif n'est pas son fort, il faut mettre ce qu'il y a de plus touchant dans la bouche de l'Astrua, ce qui pourra fournir un récitatif avec accompagnement. Vous verrez que je n'ai pas voulu faire un long opéra; s'il dure trois heures et un quart avec les ballets, cela suffit. Je vous prie de le faire étendre par Villati,a mais d'avoir l'œil qu'il n'ait de longs récitatifs que dans la scène cinquième du troisième acte. Le récitatif de l'Astrua, du premier acte, n'a pas besoin d'être trop long. Le récit du sénateur Benedetta,b à la fin de l'opéra, doit être touchant, sans accompagnement, parce que ce sénateur le fait sans passion; mais cependant il faut que le poëte touche tous les points que j'indique.

Quant aux pensées, je vous prie de les lui fournir, et de faire que cette pièce tienne un peu de la tragédie française. Au poëte permis de piller tous les beaux endroits applicables au sujet; et lorsque le poëte n'aura plus besoin de mon brouillon, il faut le remettre à Graun, parce qu'il y a toutes sortes de choses pour les airs, dont le détail le regarde nécessairement. Soyez le Prométhée de notre poëte, soufflez-lui ce feu divin que vous avez pris dans les cieux, et que votre inspection suffise à produire d'aussi belles choses que les grands talents en ont pu mettre au jour. Le public et moi vous aurons l'obli-


a Poëte du Roi.

b Le Roi veut probablement parler ici de la cantatrice Benedetta Molteni, chargée du rôle du sénateur Olibrio, qui était écrit pour une voix de soprano.