<44> Vienne, vous sachiez à quoi vous en tenir. Les Autrichiens ne désirent point de publier la vérité; dans les circonstances fâcheuses où ils sont, ils voudraient se faire illusion à eux-mêmes.

A la sévère vérité,
Qui dans un noir chagrin les plonge,
Ils préfèrent la fausseté
Et les ombres flatteurs d'un agréable songe.

Il y a quelquefois des erreurs plus douces qu'un grand nombre de vérités. Telles sont, par exemple, l'opinion d'être aimé de certaines personnes; les distractions qui vous transportent auprès d'elles, et vous font croire que vous les voyez, parlez, et que vous vivez avec elles; la force de l'imagination qui vous représente d'agréables objets, souvent lorsque, pour le local, vous vous trouvez dans les déserts de la Thébaïde; d'agréables sons, de beaux airs dont on se souvient. A propos de beaux airs, j'ai reçu celui que vous m'avez envoyé, dont je fais un grand cas. Je vous prie de féliciter il Sassone de ce qu'il en est auteur.

Vous pourriez me faire un grandissime plaisir, si vous vouliez vous charger d'une commission, la conduire avec beaucoup de secret et votre dextérité ordinaire, et choisir bien vos biais pour la faire réussir : c'est de me faire avoir Pinti, dont la voix me charme. Cela sera difficile, vous rencontrerez des difficultés; mais c'est par cela même que je vous prie de vous en charger, puisque je ne connais que vous capable de vaincre ces obstacles. Vous pouvez offrir jusqu'à quatre mille écusa à ce Pinti, et faire l'accord comme vous le trouverez le plus convenable.

Troupe des doux Plaisirs, enfants chéris des dieux,
Accourez pour remplir mes sens voluptueux;
Ouvrez-vous, portes de la vie,
Assouvissez l'ardeur que promettent mes feux;


a Huit mille écus. (Variante de la copie de M. Frédéric de Raumer.)