<261> pendant la guerre. Edelsheim et moi, nous sommes ici votre troupeau, nous sommes vos fanatiques, si toutefois on peut l'être en estimant la vertu à l'excès. Nous nous rassemblons en votre nom, et vous rendons un culte en esprit et en vérité. J'ai eu le plaisir, ma chère duchesse, de m'entretenir longuement sur votre sujet avec ma sœur de Brunswic, qui est charmée d'avoir fait votre connaissance. Elle sent tout le prix de votre mérite, et en est pénétrée.

Nous avons ici M. d'Alembert, qui vaut mieux encore en société qu'en ses livres; j'en excepte la géométrie transcendante, dans laquelle il excelle. Il a un caractère naturel, franc et paisible, beaucoup de mémoire, et beaucoup de gaîté dans l'esprit. Je l'excite à faire quelques ouvrages dont je crois que le public m'aura obligation de l'avoir fait accoucher. L'un sera d'étendre et d'entrer en plus grand détail qu'il ne l'a fait dans ses Éléments de philosophie et de géométrie; l'autre, un ouvrage sur toutes les découvertes qu'on a faites en physique depuis le chancelier Bacon, avec des réflexions sur les progrès que nos connaissances pourront acquérir en suivant ces expériences, en les combinant ou en en faisant de nouvelles.

Je n'oserais écrire une lettre pareille à toute autre princesse qu'à vous, madame, qui réunissez toutes les connaissances et tous les talents, et qui pensez que ce qui sert à éclairer l'esprit l'ennoblit infiniment plus que la grandeur et la naissance.

Mes vœux sont toujours les mêmes, madame, pour votre félicité et pour votre conservation. Oserais-je vous prier d'assurer de mon souvenir et de mes attentions votre digne amie, et d'être persuadée de l'attachement et de la considération avec lesquels je suis,



Madame ma cousine,

Votre très-fidèle ami, cousin et serviteur,
Federic.