<250> l'abus de la littérature. Cependant, à tout prendre, il vaut mieux être dans l'abondance, car il n'y a qu'à choisir, ce que nos grossiers et tristes aïeux ne pouvaient certainement pas, dans les siècles abrutis où ils vivaient. Toutefois un bon livre est aussi rare à présent qu'un livre était alors.

Nous avons ici un nouveau ministre de Russie, un prince Galizin. Il m'a dit que le prince Charles était chassé de Courlande. Que de ducs ce pauvre pays a eus, madame : le comte de Saxe, Biron et le prince Charles! Je ne voudrais pas être duc de ce pays-là : il est pauvre, le peuple est barbare, le climat triste, et le voisinage affreux. J'aimerais bien mieux, dans le sein du repos et des arts, voir et entendre ma chère duchesse avec sa digne amie. Mais heureusement ces ducs ne connaissent pas ce bonheur; ils sont entichés d'une héroïque folie qu'on nomme l'ambition, et, pourvu qu'ils tiennent leur cour plénière, fût-ce même au Kamtchatka, ils croient être heureux.

En vérité, madame, j'abuse de votre patience; je vous conte des fagots, et il semble que j'aie entrepris de vous ennuyer autant et plus que les auteurs modernes dont je viens de parler. Je me plais à vous entretenir, et je ne m'aperçois pas que j'abuse du privilége de vous ennuyer. Pardon, pardon, ma divine duchesse, je me corrigerai, si je puis tant gagner sur moi. Daignez recevoir avec votre indulgence ordinaire les assurances de mon admiration et de la haute estime avec laquelle je suis,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le très-fidèle cousin et serviteur,
Federic.