13. AU MÊME.

Remusberg, 26 septembre 1739.



Mon cher comte,

J'ai couru le monde234-a d'une manière peu philosophique depuis quelques mois. Je ne regretterais point les fatigues, quoique assez violentes, de ce voyage, mais je regrette la correspondance de mes amis négligée, et mon étude interrompue. Vous me faites grand plaisir, mon cher comte, de me fournir l'occasion de continuer notre correspondance; votre modestie seule peut vous faire soupçonner qu'elle m'importune. Je vous prie de vous en désabuser, et d'être très-persuadé que tout ce qui me vient de vous me fait un plaisir infini. Vous savez d'ailleurs réchauffer la froideur d'une correspondance par mille choses que la plupart des personnes de naissance ignorent; vous fournissez toujours nouvelle matière, de sorte que l'embarras ne se trouve que de mon côté. Je me flatte cependant que c'est une amitié<235> réciproque qui est le fondement de notre correspondance, et lorsque le cœur y est intéressé, l'esprit n'est jamais à sec; on trouve mille choses à dire, et l'on en supprime encore mille autres pour ne point être trop prolixe.

Vous me demandez des nouvelles de ma santé, qui est à présent beaucoup meilleure qu'elle ne l'a été; mes incommodités se sont presque entièrement passées, et j'espère, moyennant quelque régime, de pouvoir jouir d'une santé assez ferme. Voilà un détail que j'aurais épargné à tout autre, mais que je me suis cru obligé de vous faire, afin de vous montrer, jusqu'en ces bagatelles, la confiance que j'ai en votre amitié.

Je suis avec une estime parfaite,



Mon cher comte,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.


234-a Frédéric fait ici allusion à son voyage en Lithuanie.