<336> constance philosophique que, un certain nombre d'événements s'étant succédé et ayant rempli leur temps, il en vienne d'autres dont vous serez le moteur et la cause. Que j'en prévois alors de grands et de mémorables! et combien de plaisir ne prends-je pas déjà à me les représenter!

Oserai-je vous dire, monseigneur, sans crainte de blesser votre trop délicate modestie, ce qui soutient aujourd'hui mon courage et mes espérances, ce qui affermit ma tranquillité et ma satisfaction? C'est la connaissance que je me flatte d'avoir de la constance de vos sentiments et de l'usage admirable que vous savez faire de votre raison pour vous rendre intérieurement heureux vous-même, en attendant que vous puissiez faire un jour le bonheur de tant d'autres hommes, au nombre desquels j'espère venir me ranger quand il en sera temps. S'il suffisait, pour ma félicité, de jouir des faveurs du plus grand et du plus aimable de tous les princes, et d'oser en espérer la constance, même dans le plus grand éloignement de lui, je devrais sans doute être aujourd'hui parfaitement heureux. Mais comme une condition essentielle de mon bonheur sera toujours d'être aussi assuré de celui de V. A. R., il fallait encore une considération telle que celle sur laquelle je viens de fonder l'espérance de son parfait bonheur, pour assurer aujourd'hui le mien.

Je ne puis cependant, monseigneur, m'empêcher de vous faire ici l'aveu d'une de mes faiblesses. En réfléchissant sur la bizarrerie de mes destinées, j'éprouve souvent dans la succession de mes sentiments une espèce de contradiction. Tantôt, considérant une certaine face de mon sort, je crois avoir sujet de me regarder comme le plus malheureux des hommes; et presque dans le même instant, une autre face de ma situation venant se présenter à mon esprit, je m'estime le plus fortuné des mortels. Insatiable avidité de nos désirs, source féconde de maux imaginaires et factices, c'est toi seule que nous devons accuser de semblables contradictions! C'est toi qui, nous faisant