<90>çonner d'aucune flatterie en vous disant que nos Français ont votre nom dans la même vénération que vos sujets. Notre nation, parmi beaucoup de défauts, a le mérite de rendre justice aux grandes qualités, fût-ce même celles de ses ennemis. Vous avez fait de si grandes choses, madame, vous faites tant d'honneur à votre sexe, que vous ne devez pas vous étonner que les Français soient vos enthousiastes. Ceux qui ont eu le bonheur de se mettre à vos pieds et de vous admirer eux-mêmes ne tarissent point sur ce sujet; leurs sentiments se communiquent, ils gagnent, ils se répandent, et le public ne forme plus qu'une voix pour célébrer tant d'augustes et grandes qualités. Si j'ai à me plaindre de ma destinée, c'est de ce qu'elle m'a interdit jusqu'ici le bonheur de vous faire ma cour, avantage que je préférerais à toutes les faveurs de la fortune, et auquel je suis bien éloignée de renoncer. Mais, madame, souffrez que je vous ouvre mon cœur avec cette franchise que vous avez autorisée et enhardie par vos bontés. Si jamais je trouve l'occasion de satisfaire au plus ardent de mes vœux, si jamais le moment se rencontre où je pourrai me mettre à vos pieds, voudriez-vous, madame, que j'approchasse en tremblant de cette incomparable princesse que je respecte, et qui m'honore du nom de sa bonne amie? Et cependant, madame, je ne pourrais me présenter devant vous qu'en sentant mon cœur frissonner. Vienne doit être un séjour que votre présence rend délicieux; il n'y a qu'un point critique qui me glace d'effroi. Vous avez assez d'éminentes qualités pour en couvrir un petit défaut; vous êtes si supérieure au reste de votre sexe, que je ne crains pas de vous reprocher quelques effets de légères faiblesses qui sont incompatibles avec mon séjour dans vos États. Vous devinez vous-même, madame, que c'est de cet affreux collége dont je m'effraye, de cette inquisition qui établit un despotisme tyrannique sur le cœur et les sentiments. Daignez, de grâce, le supprimer, madame, abolissez le plus dur de tous les tribunaux,