« <58> croyait sa perte certaine; ses forces l'abandonnaient, sa voix était prête à s'éteindre; elle répétait pourtant avec ferveur ces pieuses paroles : Anne, ma sœur, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? - Je vois, répond sa sœur, une poussière qui s'élève du côté de l'orient. L'épouse désolée lui demande : Ne sont-ce point mes frères? - Hélas! non, reprit Anne, ce sont des brebis. » Remarquez surtout dans ce passage que chaque parole annonce de grandes vérités. L'auteur divin nous figure sous la forme de ce troupeau de brebis saint Jean, le bienheureux précurseur de Jésus-Christ. Lui-même avait la douceur des brebis, et il venait annoncer au genre humain abruti par ses crimes l'agneau sans tache. Si notre auteur sacré avait vu de ses yeux accomplir tout ce qui précéda la venue bienheureuse du Messie, il n'aurait pu narrer les événements avec plus d'ordre qu'il ne les expose dans cette parabole; c'est plutôt une histoire qu'une prophétie. Nous touchons enfin au moment où la terre en travail va enfanter son Sauveur. Barbe-bleue, ou disons plutôt le diable en fureur, vient et veut saisir sa proie.

Anne annonce dans ce moment à sa sœur qu'elle voit venir deux cavaliers, mais qu'ils sont encore éloignés. Ces deux cavaliers sont le Fils et le Saint-Esprit, différents de personne, qui, tous deux indissolublement unis au Logos, composent la très-sainte et très-adorable Trinité. Quand arrivent-ils? Dans un temps où tout le monde jouit de la paix, dans le temps qu'Auguste ferma le temple de Janus; mais d'autre part aussi dans le temps que toutes les puissances de l'enfer faisaient la guerre la plus vive à leur Créateur, lorsque les prêtres, les lévites et les docteurs de la loi étaient partagés en différentes sectes d'une philosophie damnable, qui se produisaient sous le nom de pharisiens, d'esséniens, de saducéens et de thérapeutes, qui sapaient et détruisaient si bien la foi de leurs ancêtres, que Sabaoth n'avait presque plus de vrais adorateurs. Le péril était éminent, il fallait un prompt secours, ou la jeune épouse aurait été égorgée, et l'Église dé-