<57> voix faible ces pieuses paroles : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? » C'est ainsi que le petit troupeau des saintes âmes que Dieu avait conservées dans son peuple élu soupirait avec un saint zèle après sa délivrance, et craignait que la race d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, vouée au culte d'Elchaddaï,a d'Adonaï, d'Élohim, ne fût exterminée par le prince des ténèbres. Anne lui répond encore : « Je vois le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie. » Oui, Dieu tiendra ses promesses, il ne vous abandonnera pas. Il a assisté le prophète Élisée quand les petits garçons l'appelaient Tête-chauve;b ces petits garçons furent métamorphosés en ours. Ce fut lui qui écarta la mer Rouge pour donner un passage à son peuple. Ce fut lui qui arma la main de Samson d'une mâchoire d'âne pour défaire les Philistins. Il ne vous abandonnera pas. « Mais Barbe-bleue redoublait d'impatience, et criait plus fort que jamais : Descends, ou je monterai! » par où l'auteur sacré désigne l'abomination de l'abomination dans la cité sainte, ou l'entrée triomphante de Pompée à Jérusalem, et les aigles et les dieux des Romains placés à côté du temple, la tour Antonia, que l'infâme Hérode fit élever à l'honneur du triumvir de ce nom, et les peines que se donna ce roi d'introduire un culte idolâtre dans cette terre que Sabaoth avait destinée pour être habitée éternellement par son peuple élu. Ces faits importants précédèrent d'une trentaine d'années la venue de Jésus-Christ. C'est avec cette précision étonnante que l'auteur sacré de ce saint livre a vu et prédit l'avenir, que, en comptant le quart d'heure de répit que Barbe-bleue accorde à sa femme, la minute à trois années, cela répond exactement à l'espace du temps qui s'écoula depuis la prise de Jérusalem par Pompée jusqu'au bienheureux avénement et à la naissance du Messie. « Mais la malheureuse épouse de Barbe-bleue, tremblante et presque inanimée, »


a Dieu tout-puissant; Genèse, chap. XVII, v. 1, et chap. XXVIII, v. 3; Exode, chap. VI, v. 3.

b II Rois, chap. II, v. 23.