« <51> clef de tous ses trésors, et lui en remet une secrète d'un cabinet, lequel il lui défend d'ouvrir. » Que de grandes leçons dans ce peu de paroles! Le vieux séducteur, qui sait le métier qu'il a appris par l'expérience de tous les siècles, renverse le cerveau d'une jeune personne en lui donnant du goût pour les richesses. Il veut nous attacher aux biens terrestres et périssables, pour nous détacher des biens incorruptibles du paradis. Il parvient, par le même moyen, à égarer le plus sage des rois; il donne à Salomon tout l'or d'Ophir. De cet argent, Salomon commence à bâtir à Jérusalem un temple au Seigneur : voilà le bon usage. Mais le démon ne se décourage pas. Ensuite le sage roi se pourvoit de sept cents concubines : voilà l'abus. Remarquez en passant combien notre espèce dégénère; car aucun Sardanapale de notre siècle ne pourrait suffire à un si grand nombre de concubines. Salomon ne s'en tint pas là. On le vit enfin sacrifier aux faux dieux. C'est ainsi qu'une chute après elle entraîne une autre chute.a Mais il est temps de revenir au texte sacré. La clef de ses trésors, que Barbe-bleue donne à son épouse, figure le passe-partout des enfers. Ce sont ces perfides clefs qui ouvrent la porte à tous les vices. Le démon sait que la plupart des hommes sont pris par l'appât des richesses; il en a trouvé peu qui sussent y résister. Souvenez-vous que, lorsque le prince des ténèbres eut l'audace de transporter le divin Messie sur le sommet d'une haute montagne, il lui dit : Vois-tu ces royaumes de la terre? Je te les donne, si tu m'adores. Malheureuses richesses, funestes grandeurs, qui perdez ceux qui vous chérissent! Non, les riches n'hériteront point du royaume des cieux. Et vous, grands monarques de l'univers, vous, dont l'orgueil se pavane si insolemment sur vos trônes superbes, hélas! vous serez un jour la proie des flammes éternelles, tandis que le pauvre Lazare, du haut de l'Empyrée, contemplera vos souffrances et vos tourments avec des yeux de compassion. Remarquons en même temps que le démon, en don-


a Voyez t. VIII, p. 215.