<187>Après ce que j'ai l'honneur de vous dire, Votre Révérence voit bien que nos gazetiers et nos ministres d'État ont été fondés à publier que c'est l'obscurité totale de la nuit et l'impossibilité d'y voir qui ont été cause des avantages des Prussiens. Voilà cependant, mon révérend père, un état bien fâcheux pour les partisans de la bonne cause; nous sommes réduits aujourd'hui, par le peu de religion du roi de Prusse, à suivre inutilement pendant le jour des troupes que les démons poussent par le derrière, et à combattre pendant la nuit contre des soldats qui ont chacun un diable à califourchon sur le nez. Si cela dure, je crains bien que nous ne voyions échouer tous les projets que nous avons formés pour l'abaissement et même pour l'extinction de l'hérésie. Combien n'avons-nous pas à craindre que le roi de Prusse n'engage les princes ses frères à devenir sorciers ainsi que lui! Quel désavantage ne serait-ce pas pour la bonne cause et pour la propagation de la sainte Église romaine, si le prince Henri joignait un jour à sa prudente valeur, qui a tant de fois fait échouer les projets du maréchal Daun, quoique très-bon général, et des autres commandants autrichiens, les secours de la magie, et s'il réunissait à la sagesse d'Ulysse et au courage d'Achille, qu'il a déjà, la science de l'enchanteur Merlin!

Pour éviter de si grands maux, je crois qu'il serait à propos de faire connaître au public toute l'horreur des prestiges, des sortiléges et des enchantements dont s'est servi et dont se servira sans doute encore le roi de Prusse pour l'exécution de ses desseins. Cette lettre que j'ai l'honneur d'écrire à Votre Révérence servira à couvrir de confusion ce prince irréligieux; peut-être la honte d'être reconnu dans toute l'Europe pour un sorcier le fera-t-elle renoncer au commerce criminel des démons. Si cela ne suffit pas, il faudra demander à la cour de Rome un jubilé pour obtenir du ciel que l'ennemi de la bonne et sainte cause ne puisse plus se servir ni du diable, ni des