<181> moines étrangers qui sont dans mes États, je lui donnerai vingt jésuites de la Silésie, qu'il pourra mettre, dans l'autre monde, à côté de Jean Châtel, de Guignard,a de Malagridaa et des autres jésuites assassins des rois. - Cela est fort bon, dit le philosophe; pourvu que les sujets de l'enfer s'augmentent, de quelque façon que ce soit, Belzébuth est toujours content. Alors ce sorcier récita le commencement du chapitre de Locke contre les idées innées, et à la lecture d'un ouvrage aussi infernal, le diable parut sur-le-champ, et dit au Roi : « J'accepte ton présent; va, attaque Loudon; quelque brave et expérimenté que soit ce général, tu remporteras la victoire; j'animerai tes troupes, et tu verras que le proverbe qui dit, Ils se sont battus comme des diables, sera réellement effectué. »

Votre Révérence sait le reste de cette odieuse aventure. Le Roi battit le lendemain le général Loudon, et remporta une victoire qui dégagea toute la Silésie. La cour de Vienne apprit peu de jours après, par la lettre interceptée dont je vous ai parlé, la cause de cette victoire; mais, par une suite des ménagements et de la décence qu'elle a toujours conservés dans les écrits qu'elle a publiés contre ce prince, elle se contenta de faire insérer dans les gazettes que le roi de Prusse ne devait sa victoire qu'à l'avis qu'il avait reçu par un certain officier qui avait quitté l'armée autrichienne,b officier qui n'a jamais été nommé par son nom,c et qu'on a toujours désigné vaguement, parce


a Le jésuite Jean Guignard fut pendu comme complice de l'attentat commis par Jean Châtel sur la personne de Henri IV le 27 décembre 1594.
     Quant au P. Gabriel Malagrida, voyez t. IV, p. 254, t. XIV, p. 222, et ci-dessus, p. 164. Voyez aussi l'ouvrage de M. d'Olfers intitulé : Ueber den Mordversuch gegen den König Joseph von Portugal am 3. September 1758. Berlin, 1839, in-4, p. 35-39.

b Voyez t. V, p. 72.

c Le général de Gaudi dit dans son Journal sur la guerre de sept ans, Campagne de 1760, première partie, p. 283, que cet officier se nommait Wiese, et qu'il se donnait pour un aide de camp du général O'Donnell.
     Le Journal de Gaudi, en allemand et en dix volumes in-folio, se trouve en manuscrit aux archives du grand état-major de l'armée, à Berlin. L'Avertissement en tête du premier volume est daté : Wesel, im Jahre 1778.