<151> avait rendu ce corps respectable aux yeux des nations étrangères, ce même sénat, jaloux de dominer sur l'univers, ne fut plus scrupuleux sur le choix des moyens qui pouvaient faciliter son agrandissement. Les effets de cette dépravation de mœurs parurent dans les guerres que les Romains firent à Persée, aux Étoliens, contre Antiochus, et enfin contre Jugurtha. Ce qui arriva alors à Rome se voit de nos jours en Europe. Les mauvaises mœurs du siècle sont presque générales. Les hommes privés les portent dans les grands emplois auxquels ils parviennent, et c'est par les mêmes principes qu'ils gouvernent les affaires des souverains et les leurs propres.

Je crois, monsieur, vous en avoir trop dit sur un lieu commun. Je n'ai voulu faire qu'une lettre, et j'ai pensé faire un traité. Peut-être trouverez-vous la comparaison de Cartouche trop forte; vous serez cependant obligé de convenir qu'elle est juste. Je voudrais que tous ces hommes ambitieux et intéressés, que toutes ces pestes publiques qui désolent si impitoyablement notre pauvre continent, fussent au moins informés que leur méchanceté ne les rendra pas estimables aux yeux de l'équitable postérité, et que l'arrêt des siècles à venir ne leur sera pas plus favorable que celui que vous m'avez fait hasarder. Le mal que ces illustres scélérats font n'atteint pas jusqu à ma retraite; tous ces tragiques et sanglants événements me servent de spectacle. L'Europe n'est à mon égard qu'une lanterne magique; je n'y ai d'intérêt que celui de l'humanité. Je souhaiterais qu'on mît fin à ces meurtres, à ces carnages et à ces abominations qui font frémir la nature, et qu'on pensât que notre pauvre espèce, assiégée par la mort de tant de manières, n'a pas besoin de la méchanceté de quelques politiques atrabilaires pour accélérer sa destruction. Je voudrais enfin que les maîtres du monde fussent raisonnables, et tous les hommes heureux. Voilà des visions, direz-vous, de la république de Platon; ou peut-être penserez-vous de moi ce que l'on disait de