<125> voyait le ciel ouvert, il croyait assister à ce concert des anges et des vieillards de l'Apocalypsea qui chantent un éternel alleluia, il oubliait le monde et ses propres douleurs, il commençait déjà sur terre à être un citoyen céleste, et, sur son lit de souffrance, il entonnait le cantique de son triomphe. Quelle nouvelle pour la ville alarmée, quand vers le midi une voix fit retentir la place publique de ces tristes paroles : Matthieu Reinhart se meurt! On accourt, on s'empresse, le peuple s'attroupe à grands flots autour de la maison; ce ne sont que plaintes, cris, larmes, gémissements, regrets, sanglots; tout le monde participe à cette perte,b et la mort d'un seul homme devient une calamité publique. Le tribut d'affliction que l'on paya à son mérite, ces regrets que l'on donna à sa vertu, les plaintes lamentables de ceux qui ne croyaient pouvoir plus être chaussés en le perdant, tout ce qui tient à la réputation, à la vanité, à la gloire, sont des idées que nous devons écarter de nos esprits. Je craindrais, en vous en entretenant, que ces froides reliques, que les cendres éteintes de cet homme si modeste ne se ranimassent pour me dire : Comment oses-tu proférer tant de paroles frivoles devant ce triste sépulcre? comment oses-tu t'arrêter à me louer, moi, qui ai toujours résisté aux plus légers applaudissements? N'es-tu dans cette chaire que pour flatter l'orgueil des vivants et leur rappeler le souvenir de ma vaine réputation? Ta place, ton sacré ministère, ne t'avertissent-ils pas que c'est de là-haut que tu les dois confondre? Rends plutôt grâce à cet Être éternellement adorable qui m'a délivré de ces biens mortels pour me recevoir dans sa béatitude céleste.

Suivons ces conseils, mes frères; que sa mort nous apprenne que le temps fugitif emporte nos jours et nos années, que dans peu nous ne serons tous que cendre et que poussière; qu'alors le mausolée su-


a Chap. IV et VII.

b A sa perte. Variante de l'exemplaire de la Bibliothèque royale, p. 23.