<116> il avait voué son cœur à son doux Sauveur; ce fut la source de ses vertus, comme dit le Psalmiste :a Mon fils, donne-moi ton cœur, et prends plaisir à mes voies.

Oui, c'est du cœur dont dépend l'homme, c'est lui qui maintient la paix dans les habitations, l'amitié conjugale et paternelle, l'harmonie avec les voisins, la soumission aux lois, l'attachement à la patrie, et qui, lorsqu'il brûle d'une sainte ardeur, donne de la ferveur, du zèle et de la dévotion. En effet, cet excellent citoyen remplit tous ses devoirs. Il épousa en 1742 Anne-Marie Gérie, veuve sans avoir été mariée. Je vous en atteste, chaste et pudique épouse, dans quelle douceur, dans quelle tranquillité, dans quelle félicité avez-vous passé les jours de votre heureux hymen! Jamais orage n'en a troublé la sérénité, jamais la Discorde n'a mêlé son flambeau à ceux de vos pudiques feux; vos cœurs étaient unis, et vous étiez l'exemple de la concorde et des bénédictions que l'Être suprême répand sur ses fidèles. L'époux prévenait l'épouse, l'épouse allait au-devant des vœux de son mari. Félicité trop rare, heureuse union, qui nous rappelle le siècle fortuné des premiers jours du monde, où l'innocence habitait la terre, de l'âge d'or tant vanté par les poëtes, et qui, pour la confusion de l'humanité, n'exista jamais que dans l'imagination brillante des fils d'Apollon! Pourquoi ces beaux exemples ne sont-ils pas plus communs à trouver? et d'où vient que, dans ceux qui suivent la turpitude du siècle, un mariage n'est qu'un long scandale? C'est que le cœur, messieurs, je le répète, le cœur n'y a point de part. Dans la vie dissipée et licencieuse du grand monde, le mariage n'est qu'une convention d'intérêt; on ne se marie pas pour soi, mais pour les avantages de sa famille; les époux vivent, comme dit saint Paul,b ainsi que s'ils n'étaient pas mariés; l'esprit de légèreté et d'inconstance, souvent un


a Ou plutôt Salomon, Proverbes, chap. XXIII, v. 26.

b Ie Épître aux Corinthiens, chap. VII, v. 29.