<209>Ah! pouvez-vous, mortels, toujours vous ignorer?
Dans l'abîme de l'homme il faut vous éclairer.
Vous êtes composés d'esprit et de matière;
L'un pense et vous conduit, l'autre n'est que poussière.
Cette âme, souveraine et maîtresse du corps,
Fait à sa volonté mouvoir tous ses ressorts;
Des présents que du ciel a reçus l'homme injuste,
Sans en excepter un, l'âme est le plus auguste,
Elle doit occuper chez vous le premier rang.
Sacrifiez-lui donc cette chair et ce sang;
Cela ne suffit point, tâchez de la connaître,
Voyez à quelle fin le ciel lui donna l'être :
L'homme est-il pour lui seul dans l'univers jeté,
Ou tient-il aux liens de la société?
Nos désastres égaux, nos communes misères,
Hélas! prouvent assez que nous sommes des frères,
Et que, par nos secours adoucissant nos maux,
Il faut nous entr'aider à porter nos fardeaux.
D'un si noble désir entretenez la flamme,
Placez dans la vertu le bonheur de votre âme,
C'est le souverain bien; vous pouvez le trouver,
Mais en le possédant, il le faut conserver.
Lorsqu'un esprit docile aux lois de la nature
A la vertu qu'il aime obéit sans murmure,
Il trouve, chaque fois qu'il rentre dans son cœur,
Au temple des vertus l'asile du bonheur.
L'âme, en faisant le bien, peut donc se rendre heureuse,
La moins intéressée est la plus vertueuse;
Elle immole au public, sans peine et sans regret,
Ses travaux, et sa vie, et son propre intérêt,