<113>Je sens le prix d'un cœur qui chérit ma personne,
Qui dans l'adversité redouble de ferveur,
Console, agit, s'empresse, affronte mon malheur.
Rare félicité, trop courte et peu goûtée,
Que le destin barbare a trop peu respectée!
O jour rempli d'horreurs! ô souvenir affreux!
Sur mon front pâlissant se dressent mes cheveux.
Je crois le voir encor, l'exécrable ministre,
Organe et messager de ce trépas sinistre;
Quand en perçant mon cœur il pensa m'immoler.
La force me manqua, je ne pus lui parler;
Stupide, inanimé, sans voix et sans pensée,
Tout d'un coup éclata ma douleur oppressée.
La mort n'égale point tout ce que j'ai souffert,
C'est un pire tourment que celui de l'enfer;
Je détestais le jour, je fuyais la lumière,
Et j'aurais de ma main abrégé ma carrière,
Quand, pour comble de maux, la voix de mon devoir
Me força d'arrêter le cours du désespoir.
Vains songes de l'orgueil! ô majesté suprême!
Un roi moins que le peuple est maître de lui-même.
L'État presque abattu, colosse chancelant,
Ne conservait d'appui que mon bras languissant;
Il fallait s'opposer à l'Europe en furie,
Il fallut m'immoler au bien de la patrie,
Voler dans les combats, vivre pour la venger.
Je respirais la mort, j'appelais le danger;
Mais quel cruel emploi pour une âme égarée,
Dans un chagrin mortel au désespoir livrée,
De porter, dans l'horreur qui dévorait mes jours,
Aux places en danger de rapides secours,