<102>Brillants par leurs exploits, brillants par leur courage,
Jouirent des honneurs destinés aux héros.
Dès lors l'apothéose eut des routes aisées,
Le ciel, tout étonné de ces cultes nouveaux,
Fut peuplé de mortels, de plantes, d'animaux;
Et si quelques vertus furent divinisées,
Les vices à leur tour trouvèrent leurs dévots.
Mais parmi tant de dieux que s'était forgés l'homme,
Auxquels sa folle erreur avait sacrifié,
L'encens ne fuma point dans Athènes ni Rome
Pour le premier de tous, le dieu de l'amitié,
Seul être, s'il en fut, qui méritât des temples;
Tant le vulgaire faible et fait pour s'égarer
Confond ce qu'il doit craindre ou qu'il doit adorer.
Sans doute l'univers manquait de grands exemples :
Le fidèle Euryale et le tendre Nisus,
Et Thésée et Pirithoüs,
Leurs héroïques faits, leurs fastes respectables,
N'étaient que d'anciennes fables.
Pour donner du lustre aux vertus,
Il faut des héros véritables
Et des exemples plus connus.
Vous, ma divine sœur, que j'honore et révère,
Dont mon orgueil séduit se vante d'être frère,
Si Delphes, si Colchos, en des temps fortunés,
Avaient pu rencontrer dans leurs murs étonnés
Un cœur comme le vôtre, une vertu si rare,
Les temples, les autels de festons couronnés,
Le peuple, le pontife, à vos pieds prosternés,
La victime tombant sous un glaive barbare,