<163> composai un petit ouvragea où le cœur eut plus de part que l'esprit. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est que le mien est en vers, et celui du poëte, en prose. Racine n'eut de sa vie de triomphe plus éclatant que lorsqu'il traitait le même sujet que Pradon.b J'ai vu combien mon barbouillage était inférieur à votre Éloge; votre prose apprend à mes vers comme ils auraient dû s'énoncer.

Quoique je sois de tous les mortels celui qui importune le moins les dieux par mes prières, la première que je leur adresserai sera conçue en ces termes :

O dieux, qui douez les poëtes
De tant de sublimes faveurs,
Ah! rendez vos grâces parfaites,
Et qu'ils soient un peu moins menteurs.

Si les dieux daignent m'exaucer, je vous verrai l'année qui vient, à Sans-Souci; et si vous êtes d'humeur de corriger de mauvais vers, vous trouverez à qui parler. Vale. Dans ce moment je reçois Nanine.


a L'Épître à Stille; voyez t. X, p. 145-155.

b Phèdre et Hippolyte. 1678.