<9>En consacrant la calomnie,
Le cœur enflé de ses venins,
Vous prostituez le génie,
Vos chants et vos concerts divins.
N'abusez point de votre veine :
Des fontaines de l'Hippocrène
Son fiel empoisonne le cours;
Je préfère à votre éloquence
Le sage et vertueux silence
De Bernard,a chantre des amours.

Ainsi la naïade éplorée,
Quand aux vents mutins et fougueux
Son onde tranquille est livrée,
Sent bouillonner ses fonds pierreux.
Du sein de ses grottes profondes,
Le limon se mêle à ses ondes,
Et trouble le cristal des eaux;
Mais dans le calme, transparente,
Et plus claire suivant sa pente,
Rien d'impur n'altère ses flots.

Ainsi ces forfaits qu'on publie,
S'ils sont nouveaux, frappent les airs;
On les méprise, on les oublie,
Le libelle est rongé des vers.
Le seul mérite véritable
En soi trouve un appui durable


a Pierre-Joseph Bernard, connu sous le nom de Gentil-Bernard, et auteur de l'Art d'aimer. Voltaire lui parle déjà de cet ouvrage dans une lettre du 27 mai 1740. Bernard garda son manuscrit en portefeuille jusqu'à sa mort, arrivée en 1775, se bornant à en lire quelques parties dans les soupers alors à la mode dans la bonne compagnie.