<66>La gaîté l'accompagne avec la belle humeur;
Tout en elle est transport, tout est rempli de vie,
Elle aime les plaisirs et même la folie,
Sur un trône de fleurs elle embrasse Vénus,
Et, le thyrse à la main, folâtre avec Bacchus.
Ne connaissez-vous point cette aimable déesse?
Mon frère, elle est en vous, c'est la vive jeunesse.
Craignez de ses excès l'égarement fatal,
L'abus de ses plaisirs change le bien en mal.
La mollesse en tout temps fut contraire à la gloire.
Sur elle remportez la première victoire;
Domptez vos passions, il en est encor temps,
Elles sont des humains esclaves ou tyrans;
Qui ne les asservit sous un sceptre stoïque
Est contraint de plier sous leur bras despotique;
Rien de plus flétrissant pour un cœur généreux
Que d'être subjugué par leur pouvoir honteux.
Mais surtout des héros évitez la faiblesse,
Fuyez d'un tendre amour l'amorce enchanteresse;a
On peut à tous ses goûts se prêter sagement,
Le plaisir est plus fin, goûté modérément;
Je blâme comme vous cette misanthropie
Qui veut nous séquestrer des biens de cette vie,
En nous interdisant tout genre de plaisirs.
Que seraient les humains sans vœux et sans désirs?
Des esprits engourdis, des êtres imbéciles,
De la société membres très-inutiles,
Qui, n'étant animés par le bien ni le mal,
Seraient ensevelis dans un sommeil fatal.


a Réminiscence des vers 261 et 262 du 1er chant de la Henriade :
     

Surtout des plus grands cœurs évitez la faiblesse :
Fuyez d'un doux poison l'amorce enchanteresse.