<315>Le chef s'avance seul, il doit tout reconnaître,
Il peut vaincre en ce jour par un coup d'œil de maître,
S'il fait des lieux, des temps un choix prémédité,
S'il prend son ennemi par son faible côté.
De sa droite s'avance un corps d'infanterie,
Elle franchit les monts malgré l'artillerie;
Dans son poste attaqué, renversé, confondu,
L'ennemi se débande et s'enfuit éperdu,
Le désordre est partout, le vainqueur en profite,
Les cuirassiers oisifs volent à la poursuite.
Ainsi le grand Condé fut vainqueur à Fribourg;
Ainsi, devant son roi, dans un aussi grand jour,
On vit près de Laeffelt le valeureux Maurice,
En offrant à Pluton le sanglant sacrifice
Des Bretons, des Germains, des Bataves fuyards,
Sur le haut de leurs monts planter ses étendards.
Tel est de nos combats l'ingénieux système.
Tous les camps retranchés sont attaqués de même;
Souvent leurs boulevards, sans prudence tracés,
Ont de faibles appuis ou de mauvais fossés;
La moitié des soldats tient des lieux inutiles,
Cloués à leur terrain, ils restent immobiles,
Tandis que l'ennemi fait manœuvrer ses corps,
Et peut en liberté diriger ses efforts.
Rien n'arrête un héros quand Bellone le guide;
Si dans un camp choisi son ennemi timide,
Des maux qu'il a soufferts encore épouvanté,
Craint l'effort dangereux du bras qui l'a dompté,
Et se fait du terrain un invincible asile,
Ce héros le contraint par sa manœuvre habile
A donner ces combats qu'il avait évités.