<284>Un général vulgaire, un moins vaste génie,
Satisfait d'accourir aux champs de l'Ausonie,
Peut-être eût défendu son pays ravagé;
Il eût sauvé l'État, mais ne l'eût point vengé.
La discorde, en troublant la maîtresse du monde,
Dans les divers partis en héros fut féconde :
Voyez Sertorius, qu'on ne peut accabler,
Avancer à propos, quelquefois reculer.
Assuré par l'appui des rochers d'Ibérie,
Arrêter des Romains la valeur aguerrie;
Tant un génie heureux qui possède son art
Des destins de la guerre écarte le hasard!
Un guerrier plus ardent, moins sage et moins habile,
De l'âpreté des monts quittant le sûr asile,
Eût cherché ses rivaux, qui dans leurs camps nombreux
Amenaient la fortune et Pompée avec eux.
Ici, le grand Condé, fils chéri de Bellone,
De la France étonnée assure la couronne;
Il fallait arrêter par des coups éclatants
D'un heureux ennemi les succès trop constants.
Dans ce jour décisif pour l'Espagne et la France,a
L'audace du héros fit plus que la prudence;
Un chef plus circonspect et moins entreprenant
N'aurait point hasardé ce combat important;
L'Espagnol, enhardi par ce Français timide,
Vers Paris eût poussé sa fortune rapide.
Voyez du fond du Nord, où règnent les hivers,
Cette flotte étrangère avancer sur nos mers :
Elle porte Gustave et le sort de l'Empire,
Des Germains divisés la discorde l'attire,


a Voyez t. VII, p. 100, et ci-dessus, p. 269.