<165>D'un pas toujours égal élevaient à la gloire,
Dès qu'une fois la mort retrancha ses destins,
Son tombeau fut couvert par des couplets malins,
Et le Français léger, enivré de folie,
Du plus grand de ses rois osa flétrir la vie.a
Bredow, tel est le peuple et l'idiot public,
Rien ne peut échapper à sa langue d'aspic;
C'est cet étrange oiseau, rempli d'yeux et d'oreilles,
De climats en climats publiant des merveilles,
Qui ne peut assouvir sa curiosité,
Qui confond le mensonge avec la vérité;b
L'inquiète cabale et la perfide envie,
La haine, la fureur, l'infâme calomnie,
L'instruisent en passant de faits remplis d'horreurs,
Et bientôt l'univers répète ces noirceurs.
Être blessé du monstre est un mal incurable.
Eh bien, que pensez-vous? l'homme est-il raisonnable
D'employer tant de soins, de peines, de travaux,
D'immoler ses plaisirs, ses jours et son repos,
Pour attirer sur lui les yeux et le suffrage
De ce peuple ignorant, téméraire et volage,
Rempli de préjugés, esclave de l'erreur,
Et du nom des mortels très-faux dispensateur?
O gloire, illusion, cesse de nous séduire,
L'amour de la vertu doit tout seul nous conduire;
Mon cœur doit méjuger, s'il m'approuve, suffit,c
J'arrache ces lauriers qu'on me prête à crédit.


a Voyez ci-dessus, p. 6.

b Confondre l'apparence avec la vérité. Molière, Tartuffe, acte I, scène VI.

c Il suffit. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 223.)