<140>Ils vont hâter pour vous l'ordre des destinées,
Présenter à chacun le cours de ses années.
Dans l'immense avenir quel est l'événement
Qui peut remplir les vœux de votre égarement?
Quittez les vains projets où votre espoir se fonde,
Vos vœux dans le chaos replongeraient le monde,
C'est par mes sages lois que je l'ai maintenu,
Rien ne doit se changer lorsque tout est prévu.
Les sorts sont partagés, soyez contents des vôtres,
Ceux que vous désirez font les destins des autres,
Et si j'avais été flexible à vos soupirs,
Vous seriez tous punis par vos propres désirs.
Toi, guerrier imprudent, un autre tient ta place.
Vois sa funeste fin, frémis de son audace :
Il aimait les dangers, il cherchait les combats;
Le voilà moissonné par la faux du trépas.
Toi qui du vieux Nestor désires les années,
Peins-toi dans ce vieillard les tristes destinées
Qu'en t'accordant ses jours le ciel te préparait :
Il n'a plus de plaisirs, son bonheur disparaît,
Il vit dans les dégoûts; l'âge, la maladie
Ronge insensiblement la trame de sa vie,
De sa faible raison consume le flambeau,
Et par de longs tourments le conduit au tombeau.
Approche, vieux Crésus, mécontent imbécile,
Possesseur malheureux d'une femme stérile,
Vois-tu chez ton voisin ce fils tant désiré?
C'est un lâche, un ingrat, un fils dénaturé.
Misanthrope absorbé dans tes frayeurs sinistres,
Au lieu d'un Bestusheff, vois deux nouveaux ministres
Plus fiers, plus corrompus et plus entreprenants.