<123>Ces signes des valeurs reçurent divers noms,
On vit piastres, ducats, pistoles, patacons;
Par les ressorts nombreux qui meuvent le commerce
Ce métal en Europe à pleine main se verse.
Voyez-vous de bateaux ces grands fleuves couverts?
Ils portent nos moissons dans de lointaines mers;
L'Espagnol les reçoit, il nous rend des espèces,
Et de ce troc heureux dérivent nos richesses.
Les tributs du Mexique en Prusse transportés
Entretiennent les arts dans les grandes cités,
Ils font naître le luxe, enfant de l'opulence,
Des villes aux hameaux circuler la dépense;
Le laboureur qui vend le fruit de sa sueur
Du prix qu'il en reçoit va payer son seigneur;
C'est lui qui vous fournit, à force de fatigue,
Ces ducats dont au jeu vous êtes si prodigue.
Jugez, comte, jugez par ces faibles dessins
Des travaux étonnants qu'embrassent les humains;
Je n'ai pas tout dépeint, la matière est immense,
Et je laisse à Bernis sa stérile abondance.a
Mais ceci vous suffit, vous voyez les liens
Dont l'avantage égal unit les citoyens,
L'industrie en tous lieux qui s'accroît et s'exerce,
L'ouvrage encouragé par l'appât du commerce;
L'Asie et l'Amérique ont contenté nos goûts,
Nous travaillons pour eux, ils travaillent pour nous.
Méprisez-vous encor ces artisans habiles,
A vous, à leur patrie, au genre humain utiles?
Leurs occupations les rendent vertueux,


a Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile. Boileau, L'Art poétique, chant Ier. Voyez t. IV, p. 38.