Zu No. 61.

Im Nachlasse Voltaires, der jetzt in der Kaiserlichen Öffentlichen Bibliothek zu St. Petersburg aufbewahrt wird, befindet sich nicht nur das Original der Fragmente aus den Memoiren von 1742, sondern auch das am 21. Mai 1743 an Voltaire übersandte Avantpropos. Einer ganz besonderen Liebenswürdigkeit, der ich auch hier meinen verbindlichsten Dank ausspreche, verdanke ich genau verglichene Abschriften von beiden Stücken; ich begnüge mich, sie hier abzudrucken : das Arantpropos, weil es bis jetzt noch ganz unbekannt geblieben ist, die Fragmente der Memoiren, weil sie mehr enthalten als die Abschrift in Upsala. (Forschungen zur Brandenburgischen und Preußischen Geschichte IX. 515.]

Avantpropos [des mémoires du roy de prusse].5-1

Beaucoup de personnes ont écrites l'histoire, mais bien peu ont dites la vérité; des Ecrivains peu instruits ont voulu écrire des Anecdotes, et les ont forgées, où ils ont pris pour des faits notoires des bruits Populaires et les ont transmis avec assurance à la Postérité. D'autres ont voulu rapporter ce qui s'est passé cent ans avant leur naissance, ils ont composé des Romans, dont tout au plus les faits principaux étoient exempts d'altération, ils ont fait penser, parler et agir les hommes, dont ils ont transmis les vies, et le monde leger est fait pour être trompé a pris les fixions de l'auteur pour des vérités historiques; que de mensonges! que d'Erreurs! que de Supercheries!

Persuadé que ce n'est point à quelque pédant qui viendra l'année 1840 au monde, ou bien à quelque Bénédictin de la Congrégation de St. Maur de parler des Négociations qui se sont traitées dans les Cabinets des Princes, ni de représenter ces grandes scènes qui se sont jouées sur le Théâtre de l'Europe, j'ai voulu écrire moi même les révolutions que j'ai vu arriver et auxquelles j'ai eu le plus de part, d'autant plus que ces révolutions intéressent particulièrement ma maison, et que proprement on ne pourra dater que de là, l'Epoque de Sa Grandeur.

Je suis même dans la persuasion que je dois à la postérité un récit exact et vray des Evenemens que j'ai vu puisque depuis le Bouleversement de l'Empire Romain, il n'est presque rien arrivé de plus digne d'attention que la guerre qu'enfanta une puissante Ligue réunie pour la destruction de la maison d'Autriche.

Les pièces originales tant de Lettres que de traités, légitimeront les faits que je raconterai, je ne préteiis point ennuyer le Lecteur par des récits difus de petites circonstances, mais en lui présentant toujours des objets dignes de son attention, je ne dois point obmettre des Anecdotes qui servent à caractériser l'Esprit du siècle et de ces petites choses qui ont données lieu aux grandes.<28> Comme je parle à la postérité aucune considération me retient, je ne garde aucun ménagement pour les Princes mes Contemporains, et je ne déguise rien sur mon propre sujet.

J'espère que la postérité pour laquelle j'écris voudra distinguer en moy le Philosophe du Prince et l'honnête homme du Politique, j'en dois faire l'aveu, il est bien difficile de conserver un Caractère pnr d'honnêteté et de Candeur, lorsque l'on est entrainé dans le Grand Tourbillon politique de l'Europe; on se voit sans cesse expose à être trahi par ses alliez, abandonné par ses amis, opprimé par les jalousies et par l'envie; et l'on se voit à la fin contraint d'opter entre la terrible resolution de sacrifier ses Peuples ou sa parole.

Du plus petit Etat jusqu'au plus grand, l'on peut compter que le Principe de s'aggrandir est la Loix fondamentale du Gouvernement, cette passion est aussi profondement enracinée dans chaque ministère que l'est au Vatican le Despotisme universel.

Les passions des Princes n'ont d'autre frein que le terme ou leurs forces se trouvant impuissantes ce sont les Loix constantes de la Politique Européenne, auxquelles il faut que tout Politique se plie; si quelque Prince avoit moins de soin de ses Intérêts que ses voisins, ils iroient toujours en se fortifiant, tandis qu'il resterait lui et plus vertueux et plus foible. Quest ce qui décide donc du bonheur de ce conflic d'ambition, ou tant d'homme? sont armés des mêmes armes pour se détruire et des mêmes ruses pour se tromper? C'est la pénétration et la prudence qui savent l'art de conduire avec sagesse les projets par plus d'un chemin à leur maturité.

Cet art, je l'avoue paroit en bien des points contraire à la morale des particuliers, mais il ne l'est point à celle des Princes, qui par un consentement tacite et par tant d'exemples à citer se sont malheureusement donnez mutuellement le Privilège d'élever l'Edifice de leur ambition à quelque prix que ce soit, de suivre en tout ce qu'exige leur Intérêt, et d'emploïer à ces fins alternativements ou le fer, ou le feu, ou les intrigues, les ruses, et les négociations, et de négliger même l'observance scrupuleuse des traités, qui pour le dire au vrai ne sont que des sermens de fronde et de Perfidie.

Aucun état, nul Royaume, nulle Société d'hommes rassemblés en Republiques dont les Anales ne contiennent des Traités de politique de cette espèce; des alliances aussitôt rompues que faites; des traités de paix conclus, infractés et reconclus, à la différence près que la Politique des Etats faibles est plus timide que celle des Puissans, et que l'Europe dans le siècle civilisé où nous vivons rougiroit d'indignation, s'il se commettait des Crimes d'assassinat, et d'emprisonnements comme dans l'onzième et douzième siècle, il faut espérer qu'un tems plus éclairé encore viendra ou il sera adjugé à la bonne foy la Gloire qui luy est due.

Je ne pretens point faire l'Apologie de la Politique que l'usage constant des nations a légitimée jusqu'à nos jours, j'expose seulement d'une façon simple les raisons qui me semblent, qui ce me semble obligent tout Prince de suivre la pratique qui autorise la fourbe et l'abus de la Puissance, et je dis ingénument que ses voisins se prévaudroient de sa droiture, et que par un faux préjugé et un jugement vicieux on attribueroit à Foiblesse ce qui ne seroit que Vertu en Lui.

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De pareilles réflexions et bien d'autres mûrement pesées m'ont obligé à me conformer à la coutume des Princes, l'histoire du siècle fournit des exemples suffisants pour justifier ma conduite, et j'ose avancer que lorsque l'on examinera tout les mauvais procédés la fausseté, la Duplicité et la perfidie de mes voisins l'on trouvera que j'ai encore agi avec assez de générosité envers Eux, et que l'usage qui a entraîné mon esprit, n'a pas corrompu mon coeur.

Mais ce n'est point ici de moi que je dois parler, les objets que je dois présenter à la postérité sont plus grands et plus intéressants que cequi regarde mon individu, de plus il ne s'agit point ici, d'un traité de morale, mais de faits historiques, et la réputation des Princes ne pouvant être appréciée que par ceux qui n'ont nulle Intérêt à les natter ni aucune crainte en les blâmant, je vais leur exposer tous les motifs de mes actions, et me remettre en suite à la rigidité de leur Jugement.

[Mémoires du roy de P un mois avant son avenemen a la couronne].

Lorsque l'on considère avec des yeux politiques la situation des Etats prussiens, on remarquera sans peine qu'ils ne sont pas arrangés heureusement pour l'ofensive; sa longueur setant sur 180 milles d'allemagnes voisins de la russie par memel entrecoupés de la pologne limitrophe des Etats de lempereur du coté de Crosen de la saxe par lelectorat de Brandenbourg, et leveché de Magdebourg, de la suède par la pomeranie entrecoupés du pais d'hanover; des Etats de l'électeur de Cologne et enfin voisin des hollandois par le pais de cleves, qu'aurait on pu entreprendre dans cette situation sur le Duché au cas que la succession vint avacquer de Bergue ayant ados l'empereur gouverné par la france lelecteur de saxe qui pretendoit egallement à cette succession la suède dont la france pouvait disposer, et voisin du hanover, qui epioit loccasion d'humilier la prasse par la jalousie héréditaire entre ces cours, et par des reste d'animositez qui subsistoient ce(?) depuis les brouilleries que le feu Boy avoit eu avec le Roy de la grande Bretagne son beau frère; on rencontrait de plus en flanc les hollandois dont l'esprit republiquain ne saccomodoit point de lacquisition que la prusse pouvoit faire du duché de Bergues, et enfin en face on trouvoit lobstacle le plus difficile a surmonter savoir les forces de la monarchie française.

Cette cour avoit garentie la succession de Jullier au prince de Sulhbach d'une brauche colateralle pour engager par cette démarche l'électeur palatin a rester neutre pendant la guerre qui commença lannée 1732; la politique française aimoit mieux voir toute les places du Rhin et les passages pour entrer dans l'empire entre les mains des petits princes dont ils pouvoient disposer qu'entre celles des plus puissants avec lesquels il faudroit combattre pour franchir cette barrière de l'allemagne.

L'empereur pour rompre totalement avec le feu Roy sur l'article de cette garentie avoit fait enfermer le Comte de Sekendorf parqui la négociation de cette garentie avoit passée, on luy ota tous les papiers par lesquels il pouvoit legitimer sa démarche et cela même etoit bien luy donner un démentir autentique: on verra facilement par ce tableau que jetois obligé de m'en tenir à l'accord du feu Pioy touchant cette succession cequi ne satisfesoit ni mon internst ny mon ambition.

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J'avois le coeur ulcéré par toutes leg humiliations que l'on avoit faites au feu Roy pendant les dernières années de son regne; l'Europe avoit étudié son caractère, et elle imputoit a faiblesse la facilité que l'on trouvoit en luy pour vivre en paix avec ses voisins : quelques brouilleries qu'il avoit eu l'année 1727 avec les hanovriens et quelques années après avec les hollandais dans lesquelles on pretendoit qu'il n'avoit pas témoigné assez de vigueur y avoient donné lieu.

[Mémoires du roy de p]

A la mort de mon pere je trouvais toute l'europe en paix. Langleterre et l'espagne se faisoit à la vérité la guerre, mais cette guerre n'avoit lieu qu'en amerique. L'empereur Charles 4 venoit de faire sa paix avec le turc par laquelle il cedoit Belegrade, la Servie et la Valachie a l'empire othoman, les dernières aimées du Regne de ce prince avoient été si malheureuses qu'il avoit perdu le Royaume de naple, la sicille et une partie du milanez que les espagnols secondés de français et du Roy de Sardagne luy avoient enlevez pour acheter la paix de la france, il s'étoit vu obligé d'un autre coté a lui céder la Loraine dont il depouila son gendre le duc de ce nom, qui avoit pocedé ce duché par une succession immemorialle de ses ancestres, l'Empereur fit un traité avec la france par lequel cette dernière se rendit gareute (sous toute sorte de restriction cependant) de cette Loix domestique.

[Suitte des fragments des mémoires du roy de prusse septbre 1743]

la minorité du jeune Csar Ivan me faisoit espérer que la russie seroit plus occupée de son intérieur que de la garantie de la pragmatique sanction

que l'on joigne a ces considérations, des trouppes toujours prêtes d'agir, mon épai'gne bien remplie, et la vivacité de mon tempérament; cetoient les raisons que javois de faire la guerre a terese d'autriche reine de bohème et de hongrie d'un autre coté se présentoient les difficultez et les considérations suivantes

les ressources de la maison d'autriche qui ont toujours été infinies, lassistance de ceux qui avoient garantie la ligue que le roy d'angleterre pouvoit faire avec lempiie pour soutenir la reine de hongrie, les secours que le duc de courîande vendu a la maison d'autriche pouvoit luy fournir de la part de la russie, le party que la cour de Vienne pouvoit prendre de sacrifier quelques morceaux a la Saxe pour lengager a faire une diversion en sa faveur; la vicissitude des armes, la mauvaise récolte qui rendoit la subsistance des armées difficile, enfin la différence de mes trouppes qui n'avaient fait que des revues et celles de la reine qui sortoient récemment de la guerre contre les turcs.

L'ambition l'interest le désir de faire parler de moy lemporterent et la guerre fut résolue

20 bataillons et 36 escadrons furent comandez pour entrer dans le pays qui etoit ouvert et presque dépourvu de trouppes, tout devoit être pvest au mois de décembre six bataillons dévoient suivre.

La disette de l'année 1740 obligeoit a faire cette première expédition avec le moins de trouppes possibles afin de gagner le temps d'amasser des magasins, et de pouvoir nourir l'armée

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dans ces circonstances une nouvelle révolution arrive en russie, la princesse de meklembourg a laide du maréchal munich setoient saisie de la personne du duc de Courlande ce changement etoit très avantageux à mes desseins puisque je devois tout espérer de mou baufrere le prince antoine ulrich de brunsvik père du csar, et que l'affection de biron pour la maison d'autriche etoit assez connue

la princesse de meklembourg femme du prince de brunsvik mère d'ivan, avoit tous les caprices et toutes les faiblesses de son sexe, et aucune vertu dhomnie, son époux etoit un génie borné, vaillant de sa personne, incertain dans sa conduite, et suivant en tout les avis de ses parents

le comte de munie ce héros dont il a été fait mention dans le chapitre précèdent, ce mobile de l'autorité quavoient ces nouvaux regens devoit avoir selon les aparences la plus grande part au gouvernement. cest ce qui me fit naître l'idée d'envoyer a petersbourg vinterfelt beau fils de munich qui me servoit en qualité d'aide de camp sous le prétexte de complimenter les nouvaux regens la mission de vinterfelt ne sadressoit quau comte de munich présents promesses flatteries, rien n'etoit épargné.

[Autres fragments des mémoires du roy de prusse].

Le maréchal de belleile et son frère ne composoient quun esprit dont le maréchal etoit l'imagination, et le chevalier etoit le bonsens;

le comte de linar sous prétexte de vouloir épouser mademoiselle mengdeu fille dhonneur de la régente de russie éleva ses vues jusquesa la princesse, et en fut aimé, il donna a son maitre le profit de sa tendresse, et lamour négocia en russie les intérêts du roy auguste.

Le maréchal de Bellile qui avoit été nommé ambassadeur du Roy très cretien a la diette de l'Empire n'ut pas plustot apris la victoire de Molvit qu'il se rendit dans mon camp, il y arriva vers les derniers jours du mois d'avril

Le maréchal de Bellile à lair de franchise et de candeur d'un homme de guerre, avec la politesse d'un courtissan, il soutient le caractère dont il est revêtu, sans affecter cette hauteur choquante par laquelle les ambassadeurs de Louis 14 ont fait d'Enemis a leur maitre que sa fortune luy a fait d'envieux : sa santé est faible mais son imagination est dautant plus vive: les conférences que j'eus avec luy rouloient principallement sur l'ellection imperialle, sur une alliance a faire et le reste du partage de la reine d'hongrie: nous convimmes que si la france vouloit me garentir la possession tranquille de toute la basse Silesie jusques au rives de neis, que je renoncerois a la succession de julier et Bergues que je donnerais ma voix dans lelection future a l'électeur de Bavière que si Ion vouloit stipuler le partage des états de la maison d'autriche il faloit que la france envoyât une armée considérable dans 1 empire au secours de l'électeur de Bavière qu'un autre corps au bas du Ein tint les troupes hanovrienes en échec, et que préalablement a tout la suède déclara la guerre a la russie. Ce fut un projet de traité dont nous convimmes entre nous sans toutefois rien conclure. Je tretois cette alliance avec la france comme la dernière corde de mon arc et je voulus eseyer avant que de signer le traité toutes les voyes daccomodements qui<32> pouvoient me rester avec la Reine D'hougrie préférant autant quil e.îoit possible la voye de la douceur a celle de la force. tout le mois de may sepassa en négociations, lus saxsous jaloux de mes succès et de mon agrandissement remuèrent tous les ressorts de leur politique pour me susciter des ambaras er me perdre ils avoient dressez un pian de quelle façon eux, les rusieus et les hanovriens, se vouloient partager mes états, les intrigues du marquis de Botta et les charmes de Lenard joint à L'ambition du comte ostermant avoient causés la disgrâce de munich; les lettres de limperatrisse douariere, et de la vielle duchesse de Brunsvic Blanquembourg sa rnere avoient déterminez le faible génie du prince antoine ulric en faveur de la reine D'hongrie; la rusie etoit prête a faire une invasion en prusse, un bon nombre de troupes etoient en Livonie. et Oourlande, le lord finch animoit et poussoit cette opération de toute ses forces, et le Roy d'angleterre avec la saxse dévoient opérer en même temps du coté de la vielle, et moyens marche ; et pour gagner le temps qu'il faloit a ces puissances pour prendre leurs arangements elles tenoient envers moy un langage flateur.

Damit schliesst der Petersburger Text.

Voltaire schreibt an den König Juni (?) 43 (XXII, 129) : vous m'envoyez ... une préface digne de vous, qui annonce un ouvrage digne de la préface ... je vous avouerai cependant, grand roi, ayec ma franchise impertinente que je trouve que vous vous sacrifiez un peu trop dans cette belle Préface de vos Mémoires. Pardon ou plutôt point de pardon! vous laissez trop entrevoir que vous avez négligé l'esprit de la morale pour l'esprit de conquête! [Die oben angeführte Stelle vom 8. IX. 43 bezieht sieh nicht auf die Memoiren].


5-1 Die Zusätze in [ ] sind von Voltaires Hand.