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CHAPITRE XVI.

Deux sculpteurs fameux, Phidias et Alcamène, firent chacun une statue de Minerve dont les Athéniens voulurent choisir la plus belle pour être placée sur le haut d'une colonne. On les présenta toutes les deux au public : celle d'Alcamène remporta les suffrages; l'autre, disait-on, était trop grossièrement travaillée. Phidias ne se décontenançant pas du jugement du vulgaire, en appela hardiment, et demanda que, comme les statues avaient été faites pour être placées sur une colonne, on les y élevât toutes les deux, pour décider alors de leur beauté. On éleva effectivement les deux statues, et ce fut alors qu'on trouva les règles de la proportion, de la perspective, et l'élégance du dessin bien mieux observées dans celle de Phidias que dans celle de son adversaire.

Phidias devait son succès à l'étude de l'optique et à l'étude des proportions; ce qui doit être placé sur une élévation doit être soumis à des règles différentes que ce qui doit être vu au niveau. Mais cette règle de proportion doit être aussi bien observée dans la politique que dans la sculpture. En politique, les différences des endroits font les différences des maximes; vouloir en appliquer une généralement, ce serait la rendre vicieuse : ce qui serait admirable pour un grand royaume ne conviendrait point à un petit État; ce qui servirait le plus à l'élévation de l'un contribuerait le plus à la chute de l'autre. Si l'on confondait des intérêts si différents, on tomberait dans d'étranges fautes, et l'on