<83>Le devin lui répondit : « Elles ne sont pas encore passées. »b V. M. sait le reste. Mais le cas n'est pas exactement pareil; la catastrophe de César n'est point à craindre pour V. M., et si des présages de l'avenir lui font de la peine, je puis comme un autre couvrir de fleurs des précipices pour les cacher à ses yeux. Elle peut toutefois compter que s'il y a quelqu'un qui souhaite de la soustraire aux hasards des événements, c'est moi, et que si les choses tournent autrement, ce ne sera pas ma faute, étant avec toute la considération et toute l'amitié possible, etc.

12. AU MÊME.

Le 28 mars 1775.



Monsieur mon frère,

Quelque plaisir que me fassent pour l'ordinaire les lettres de Votre Majesté, je lui avoue que celle que je viens de recevoir m'a plongé dans la plus vive douleur, d'autant plus que le malheur qui nous menace était inattendu pour moi. Je voudrais savoir à tout moment des nouvelles de cette chère sœur, je voudrais voler moi-même à son secours; mais ce sont des choses impossibles. Il ne me reste qu'à faire des vœux pour sa conservation, et d'espérer, s'il est possible, que son bon tempérament surmonte le mal. Je remercie cependant infiniment V. M. de la bonté qu'elle a eue de me communiquer cette triste nouvelle et d'y avoir ajouté la consulte des médecins. Veuille le ciel et la nature la rendre à ses parents qui l'aiment! J'espère que mon sort ne sera pas que, aîné de la famille, j'aie la douleur de voir mourir mes cadets avant moi et d'enterrer ainsi toute ma famille. Que V. M. compatisse à mes alarmes, à mes angoisses, à mes inquiétudes; et si également il se trouve quelque confusion dans ma lettre, qu'elle daigne l'excuser, car ma surprise a été extrême. Veuille le ciel que j'aie


b Valère Maxime, livre VIII, chap. II; Suétone, Vie de Jules César, chap. LXXXI; Plutarque, Vie de Jules César, chap. LXIII.