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7. AU MÊME.

Le 1er septembre 1772.



Monsieur mon frère,

Je vois par la lettre de Votre Majesté le succès qu'elle a eu dans le changement de la forme du gouvernement suédois. Mais croit-elle que cet événement se borne à la réussite d'une révolution dans l'intérieur de son royaume? et ne se souvient-elle pas que la Russie et le Danemark, et moi-même, nous avons garanti cette forme de gouvernement? Que V. M. se souvienne de ce que j'ai eu la satisfaction de lui dire lorsque, à Berlin, j'ai joui de sa présence. Je crains bien que les suites de cette affaire n'entraînent V. M. dans une situation pire que celle qu'elle vient de quitter, et que ce ne soit l'époque du plus grand malheur qui peut arriver à la Suède. Vous savez, Sire, que j'ai des engagements avec la Russie;a je les ai contractés longtemps avant l'entreprise que vous venez de faire. L'honneur et la bonne foi m'empêchent également de les rompre, et j'avoue à V. M. que je suis au désespoir de voir que c'est elle qui m'oblige à prendre parti contre elle, moi qui l'aime et qui lui souhaite tous les avantages compatibles avec mes engagements. Elle me met le poignard au cœur, en me jetant dans un embarras cruel duquel je ne vois aucune issue pour sortir. J'ai écrit de même à la Reine sa mère; je lui expose les choses dans la plus grande vérité; mais la chose est faite, et la difficulté consiste à y trouver un remède. Je regarderais comme le plus beau jour de ma vie celui où je pourrais parvenir à rajuster ce qui s'est passé, ne pensant qu'aux véritables intérêts de V. M., et ne souhaitant que de pouvoir lui donner des marques de la haute estime et de l'attachement avec lequel je suis, etc.


a Voyez t. VI, p. 26, 53 et 54; t. XXVII. I, p. 47 et suivantes.