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16. AU MÊME.

Le 9 avril 1769.



Monsieur mon cousin,

Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher prince, des bonnes nouvelles que vous avez la bonté de me donner de ma chère nièce. Je bénis le ciel que ce danger se soit si heureusement passé; mais je crois que, pour l'avenir, avec un peu de précaution on pourra prévenir que pareil malheur n'arrive. Il faudra que ma nièce se ménage beaucoup, pour ne pas trop nourrir le fruit qu'elle portera; il faudra qu'elle prenne plus d'exercice, surtout sur la fin de sa grossesse, et je crois encore que, sans tant raffiner sur l'art des sages-femmes, une bonne paysanne de la Frise lui serait plus avantageuse que ces célèbres sages-femmes. Toutefois il faudrait un bon chirurgien en réserve, en cas d'accident étrange. Je vous dis, mon cher prince, tout naturellement ce que je pense, parce que je m'intéresse on ne saurait davantage à ce qui vous concerne, ainsi que ma nièce. Je vous prie d'y faire quelques réflexions; et quant à ce qui regarde le régime de ma nièce, je me flatte qu'elle sera assez raisonnable pour faire ce petit effort pendant sa grossesse, afin de mettre des enfants bien conditionnés au monde. Voilà ce qu'il vous faut à tous deux, et qui vous sera du plus grand avantage pour vos intérêts et pour fixer la succession. Combien d'intrigues cesseront alors! Combien de sourdes pratiques détruites! Enfin, mon cher prince, c'est votre bien qui me fait parler, et qui m'engage dans ce détail, quoique étranger à mes occupations. Mais rien ne l'est lorsqu'il s'agit de vous donner des marques du tendre attachement avec lequel je suis, etc.