<320>j'apprenne de bonnes nouvelles de ma sœur! Cela m'intéresse plus que toutes les négociations de l'univers.a

345. A LA MÊME.

(Gross-Dobritz) ce 10 (septembre 1758).



Ma très-chère sœur,

Votre homme veut partir; je ne saurais le congédier sans lui donner encore cette lettre. Je l'ai questionné sur tout ce qu'il sait et ne sait pas; il m'a dit qu'il ne vous a point vue. Je vous supplie, de grâce, si vous m'envoyez quelqu'un, qu'il vous voie avant que de partir; je croirai au moins retrouver dans ses yeux l'image de celle que mon cœur adore. Enfin, ma chère sœur, je commence à me flatter sur votre guérison, et cette idée met du moins un peu de baume dans mon sang. Pour Dieu, ne démentez pas mes espérances; ce serait un faux bond terrible, et ces sortes de rechutes dans les chagrins tuent. J'irai demain dîner à Dresde, chez mon frère Henri.b Je vous envoie, ma chère sœur, une sottise qui m'a passé par la tête, pour vous amuser.a Vous direz, en la lisant : Ah! qu'il est fou! Et je vous répondrai que lorsque l'on n'est pas destiné dans le monde à devenir sage, c'est peine perdue d'y prétendre, et que depuis les sept sages de la Grèce, il n'y en a plus eu. Je vous embrasse mille fois; mon cœur et mon âme sont à Baireuth, chez vous, et mon corps chétif végète ici, sur les grands chemins et dans les camps. Voilà une chienne de vie; mais ce qui m'en console, c'est qu'elle tire à sa fin. Daignez rendre justice aux sentiments d'une tendresse


a Cette lettre est la réponse à celle de la Margrave, du 24 août, qui est perdue,

b Voyez t. XXVI, p. 213 et 214, nos 47, 48 et 49,.

a Il s'agit probablement de l'Épître à Phyllis. Faite pour l'usage d'un Suisse. Voyez t. XII, p. 95-97.