<298>viers que de se trouver, dans un siècle qui passe pour poli, parmi ces assassins, ces brigands et ces perfides hommes qui gouvernent ce pauvre monde. Heureux, ma chère sœur, l'homme ignoré dont le bon sens a renoncé dès sa jeunesse à toute sorte de gloire, qui n'a ni envieux, parce qu'il est obscur, et dont la fortune n'excite pas la cupidité des scélérats! Mais ces réflexions sont inutiles; il faut être ce que la naissance, qui en décide, nous fait en entrant au monde. J'ai cru que, étant roi, il me convenait de penser en souverain, et j'ai pris pour principe que la réputation d'un prince devait lui être plus chère que la vie.a On a comploté contre moi, la cour de Vienne s'est émancipée à vouloir me maltraiter; c'était contre mon honneur de le souffrir. Nous avons fait la guerre; une ligue de scélérats me tombe sur le corps : voilà l'histoire qui m'est arrivée. Le remède est difficile; dans des maux violents, il n'y en a d'autre que des cures désespérées. Je vous demande mille pardons; je ne vous parle pendant trois grandes pages que de mes affaires; ce serait étrangement abuser de l'amitié de tout autre. Mais, ma chère sœur, je connais votre amitié, et je suis persuadé que vous ne me voulez point de mal quand je vous ouvre mon cœur; il est tout à vous, étant rempli des sentiments de la plus tendre estime avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.

325. A LA MÊME.

Linay, 22 juillet (1757).



Ma très-chère sœur,

J'ai eu l'agrément de recevoir aujourd'hui deux de vos lettres, dont l'une est du 16. La mauvaise conduite qu'a tenue mon frère de Prusse m'oblige à quitter Leitmeritz; j'espère de redresser ses sottises, si, humainement, cela est possible. Vous jugez très-bien, ma chère sœur, de notre situation présente et de ce qu'il


a Voyez t. XXIII, p. 16.