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27. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

(Baireuth) 25 juin 1735.



Mon très-cher frère,

Vous voyez, par mon exactitude à vous écrire, quel plaisir je trouve à m'entretenir avec vous. Je le ferais volontiers à toutes les heures du jour, si cela m'était possible, et vous assurerais de mon parfait attachement, J'ai eu l'honneur de recevoir hier votre lettre, et suis charmée que votre revue ait été heureuse. J'attends avec impatience le dénoûment de la grande époque; comme vous ne m'en mandez rien, mon très-cher frère, je crois que cela va mieux. Nous passons notre temps assez doucement ici; et comme c'est à présent le siècle de Mars, je me suis avisée de me faire aussi martiale, et, n'ayant d'autre guerre déclarée dans ces cantons, je la fais aux forêts.a Que direz-vous, mon très-cher frère, quand vous apprendrez que j'ai été assez impitoyable pour tuer trois biches, deux renards et un chat qu'on disait être sorcier, et que j'ai voulu exterminer pour cette raison? Il m'a regardée si tristement, après avoir reçu le coup mortel, et a miaulé de si bonne grâce et d'un ton si mélodieux, que je me suis repentie de ma cruauté, puisque j'aurais pu le faire maître de chapelle de la belle musique que vous avez entendue ici. Mais comme c'est contre la modestie de prôner ses belles actions, je passerai à un autre sujet, de crainte de passer pour glorieuse; ce sera de vous assurer de la tendresse et parfaite considération avec laquelle je suis à jamais, mon très-cher frère, etc.


a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. II, p. 224.