<284>Je suis au désespoir que vous vous priviez pour moi des collections que vous avez faites en Italie. L'intérêt que je prends à la nouvelle Jérusalem me fera posséder avec inquiétude la faveur que je dois tenir de votre amitié. Ma galerie n'a besoin, ma chère sœur, que de votre portrait pour la sanctifier, et, n'en déplaise à la reine du ciel et à toute sa famille, il n'en est aucun que je vous compare. Vous me direz que ce n'est pas avancer beaucoup quand on ne croit pas à ces gens-là, et que ce n'est que préférer votre portrait à celui d'une charpentière juive et peut-être pis; mais ce portrait a été fait par de grands maîtres, et l'habileté de leur pinceau ne donnera pas plus de mérite à leur sujet que votre portrait n'en a, que je tiens pour une copie de Pesne.

Les nouvelles que je puis vous marquer d'ici sont que j'ai gâté la tragédie de Mérope en en faisant un opéra,a que je pars dimanche pour Berlin, de quoi j'enrage, et que je compterai heures et moments jusqu'à mon retour; que l'hiver se fait sentir, que les chemins sont mauvais, que l'arrivée des étrangers nous annonce le carnaval, et qu'enfin je suis, comme j'ai toujours été, avec la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.

311. A LA MÊME.

Ce 26 (décembre 1755).



Ma très-chère sœur,

Vous avez raison de craindre que des maladies telles qu'en a eu notre chère mère ne puissent un jour lui être funestes. Cependant elle s'en remet parfaitement pour cette fois-ci; je trouve qu'elle reprend sa vivacité et son humeur ordinaire, ce qui sont de très-bons signes. Notre carnaval a commencé, mais, pour vous dire le vrai, il n'est guère animé jusqu'à présent. Il y a des années où cela va de soi-même, il y en a d'autres où l'on ne vient à bout de rien. Notre évêque est tout aussi espiègle qu'il l'a été


a Voyez t. XIV, p. XX, et 465-507.