<273>

301. DE LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

(Baireuth) 22 août 1755.



Mon très-cher frère,

La joie que m'a causée, mon très-cher frère, votre convalescence a égalé la douleur où votre état m'avait plongée. Stefanino a eu l'esprit de m'assurer que vous étiez rétabli; cette nouvelle m'a transportée de l'enfer en paradis. Le retour du courrier a achevé de me tranquilliser. Si mon incertitude avait continué, je serais morte. Je frémis encore en pensant au danger que vous avez couru.a Il faut que la chute ait été terrible, puisque vous avez perdu deux dents. J'espère que cet accident ne nuira point à votre embouchure. Je m'y intéresse pour vous et pour moi; vous seriez privé d'un plaisir qui vous a causé bien des peines, et moi de celui de vous entendre. Je suis trop heureuse d'avoir quelque chose en mon pouvoir qui puisse vous divertir et amuser. Stefanino acquerra un grand mérite de plus chez moi, puisqu'il a ce bonheur. Il sera toujours à vos ordres, comme tout ce qui est à moi, et moi-même.

Le Duc et ma fille sont venus me voir à l'improviste; ils ne se sont arrêtés que deux jours. Le Duc a fait de grands changements chez lui. Je l'ai trouvé beaucoup plus solide qu'il n'était. Il met un ordre excellent dans ses affaires, bannit toutes les folles dépenses, et augmente ses troupes. Je suis fort occupée, devant entrer aujourd'hui dans notre nouveau palais. Je m'y occuperai à faire faire, s'il se peut, les monts Palatin et Capitolin tels qu'ils étaient autrefois. Si mon ouvrage réussit, je prendrai la liberté de vous l'envoyer. Comme je travaille de mémoire, les dimensions manqueront, mais du moins ce plan, qui sera en plâtre, pourra donner une idée complète des choses, comme si on les avait vues sur les lieux. Vous me trouverez bien folle, mon cher frère, d'entreprendre pareille chose et d'oser vous en parler. Mais Colin a voyagé. Je me recommande encore à votre précieux sou-


a Frédéric était tombé de cheval le 28 juillet. Voyez t. XXV, p. 303, et t. XXVI, p. 183 et 615.