<262>campe dans son lit; Algarotti a fait un trou à la lune,a Maupertuis est malade, et Voltaire est en Suisse avec Mandrin; ce qui me réduit à moi-même plus que jamais.b Je vous embrasse mille fois; mon cœur vous accompagne partout, et je ne me croirai heureux que lorsque j'aurai le bonheur de vous assurer de vive voix de la tendresse infinie avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.

292. A LA MÊME.

Le 28 mars 1755.



Ma très-chère sœur,

Vous vous moquez de moi et, avec raison, des sottes moralités que je vous débite; mais, ma chère sœur, vous vous trouvez chez un peuple gai et fou qui vous inspire, peut-être malgré vous, des idées réjouissantes, et pour moi, je mène la vie qu'un chartreux passe dans sa cellule. Voilà, à ce que je crois, ce qui contribue à notre différente façon de penser. Je ne puis guère vous apprendre des nouvelles de ce canton-ci; je ne vous répéterai point ce que disent les gazettes, que la guerre est aussi bien que déclarée entre la France et l'Angleterre, qu'il y a une révolte assez considérable en Hongrie, que le prince héréditaire de Hesse s'est fait catholique, que, etc., choses dont je pense que vous vous souciez aussi peu que moi. Je vais demain à Berlin voir notre chère mère et lui donner la fête pour son jour de naissance, qu'elle a voulu différer, pour que la dévotion des âmes pieuses n'en souffrît point. Nous aurons l'opéra d'Ezio. Ceux qui l'ont entendu disent que c'est un chef-d'œuvre; je vous en dirai des nouvelles après la représentation. Que vous dirai-je encore? Je fais bâtir à Sans-Souci une galerie de tableaux,a autre folie, si vous voulez; mais le monde ne va que par là, et si l'on ne voulait extraire


a Voyez t. XX, p. 48.

b L. c, p. 55, no 26.

a Voyez H. L. Manger's Baugeschichte von Potsdam, p. 221 et suivantes.