<255>corruption totale des mœurs. Ce n'est pas à dire que j'accuse toute la nation des vices de la capitale, et l'on pourrait dire des gens incorruptibles ce que dit Boileau des femmes chastes;a mais ce petit nombre de gens vertueux ne suffit pas pour réparer le mal qu'une longue suite d'années a invétéré dans l'administration intérieure du gouvernement. Pour réparer ce désordre, il faudrait beaucoup de fermeté; il faudrait sévir contre les coupables, et surtout préférer en tous états le mérite aux richesses et à la naissance. Les Français se moquent de moi, ou ils ont quelque complaisance pour les bontés dont vous m'honorez, lorsqu'ils me citent; je me sentirais les reins trop faibles pour embrasser une besogne aussi vaste que celle qu'il faudrait pour redresser les abus de ce royaume. J'ai bien des affaires ici sur les bras, dont j'ai assez de peine à me démener, sans vouloir avoir un aussi vaste royaume à gouverner. Enfin, pourvu que j'apprenne, ma chère sœur, que vous vous portez bien, ce sera la nouvelle la plus agréable que je pourrai recevoir de France. Je souhaite de tout mon cœur que vous y passiez agréablement votre temps, que vous y commenciez bien la nouvelle année, et que vous n'oubliiez pas un frère qui sera à jamais avec la plus tendre amitié, ma très-chère sœur, etc.

286. A LA MÊME.

Le 1er janvier 1755.



Ma très-chère sœur,

J e suis fort fâché d'apprendre par votre lettre que vous souffrez encore de vos vieilles incommodités, et que vous n'augurez pas aussi favorablement de votre voyage que vous l'avez fait au commencement. Vous deviez bien vous attendre à ce qu'on vous fît toute la meilleure réception, et à trouver la cohue autour de vous; mais, permettez-moi de vous parler franchement, n'y au-


a Satire X, vers 521 et suivants.